«C’est incroyable, confie le Suisse. Ces athlètes sont dans une forme parfaite mais leurs dents ne sont jamais cent pour cent. Pourtant, les problèmes dentaires peuvent avoir de terribles effets sur leurs résultats. Un abcès par exemple peut affaiblir le corps et réduire la performance.»
A Athènes, une équipe de 28 dentistes sera sur les dents pour faire tourner la clinique du Village olympique. Laquelle aura cinq fauteuils à disposition, ainsi qu’une installation à rayons X.
«Nous nous attendons à devoir traiter au moins cinq athlètes par pays, indique René Fasel. Ce qui nous fait 1000 patients en deux semaines».
Des risques
Les incisives sont facilement exposées à des contusions directes. Les lésions sont variées, comme des entorses, des fractures ou des exclusions totales de dents. Les lésions intéressent aussi les lèvres meurtries sur les dents, surtout si celles-ci sont proéminentes : contusions, plaies plus ou moins profondes.
Les efforts en force (haltérophilie, musculation), sont habituellement réalisés en respiration bloquée et maxillaires serrés. Les contraintes alors exercées sur les dents provoquent des lésions de bruxisme.
Lorsque les prises de boissons sucrées sont fréquentes et s’associent à une hygiène buccodentaire irrégulière, apparaissent facilement des caries dentaires ou des alvéolyses. Or ces lésions focales peuvent engendrer des tendinites à distance sur les structures posturales.
Une chance unique
Le dentiste suisse a dirigé pendant dix-sept ans une consultation du côté de Fribourg. Dorénavant, il s’engage largement pour encourager les sportifs à prendre soin de leur dentition.
A ses yeux, les Jeux olympiques offrent aux spécialistes une chance unique de comparer les dents du monde entier.
«J’hésite à utiliser le mot, lance René Fasel, mais cela nous procure quasiment un orgasme, à nous, dentistes. On peut en tirer une fantastique image épidémiologique. Cela nous permet aussi de nous pencher sur le travail des professionnels du monde entier.»
Prompt à tirer des parallèles, René Fasel estime que le service dentaire olympique permet de souligner le lien entre richesse et santé bucco-dentaire.
«Les représentants des sports moins riches, comme l’athlétisme ou le football, sont en moins bonne condition que ceux du yachting ou de l’équitation, par exemple.»
Les boissons sucrées
Les soins dentaires ne sont pas généralisés dans le monde, rappelle René Fasel.
«Nous sommes conscients du problème pour les athlètes venant des pays en voie de développement, indique le dentiste. Mais nous voyons aussi des sportifs européens présentant des carences au niveau des soins bucco-dentaires.»
Boissons isotoniques et barres énergisantes sont pour quelque chose dans ce constat, assure le médecin.
Certains observateurs vont même jusqu’à dire que le recours aux substances plus ou moins licites rehaussant les performances est mauvais pour les dents…
«Une théorie veut par exemple que les hormones de croissance aient un impact sur la mâchoire inférieure», relève René Fasel.
Une stupide dent
Chaque ville hôte des JO se doit réglementairement de proposer le programme dentaire olympique aux participants. Il existe – même s’il a varié dans la forme – depuis les JO de 1932 à Los Angeles.
Au fil des décennies, le programme a été généralisé aux jeux d’hiver et d’été. Et durant les Jeux de Sydney en 2000, quelque 1200 sportifs ont eu recours aux dentistes olympiques.
Les actes dentaires pratiqués sur les athlètes sont de différents ordres – amalgame, hygiène, extraction. Pas moins de 88 participants par exemple avaient dû se faire arracher une dent à Atlanta, en 1996.
Selon René Fasel, beaucoup des problèmes dentaires constatés aux JO pourraient être dépistés bien avant. Voilà pourquoi il encourage les comités olympiques nationaux à assurer un check-up à leurs athlètes.
A cet égard, l’exemple de l’équipe de biathlon américaine en 1994 est édifiant. Lorsque ses 31 membres ont été examinés, 11 n’avaient pas vu un dentiste depuis plus de deux ans, 12 nécessitaient une extraction, et au moins 7 avaient un abcès.
«Imaginez, lance René Fasel, que vous vous entraînez durant quatre ans en vue des jeux et, soudain, une stupide dent vous casse…»
swissinfo, Jacob Greber à Zurich
(Traduction: Pierre-François Besson)