Huissiers et notaires dans la rue cette semaine. Pharmaciens, dentistes et avocats invités à fermer leur porte le 30 septembre. La fronde contre Bercy s’organise.
Des petites villes sans pharmacie, les prises de sang expédiées en hélicoptère vers des usines d’analyse, des études de notaire dans l’escarcelle de fonds de pensions américains… Tel est le cauchemar des désormais fameuses 37 professions réglementées que Bercy entend réformer. Avant les pharmaciens et autres praticiens de santé, les métiers du droit entament cette semaine une fronde contre Bercy, décidé à mettre fin à leurs “monopoles et privilèges”, selon l’expression d’Arnaud Montebourg cet été, avant son départ du gouvernement.
Lundi, les huissiers appellent à un rassemblement à Paris. Mercredi, les notaires espèrent réunir 15.000 personnes place de la République. Le 30 septembre, pharmaciens, dentistes, ambulanciers, huissiers, avocats, etc., sont invités à fermer leurs portes par l’Union nationale des professions libérales (UNAPL). “Au-delà des nôtres, nous défendons les intérêts de nos salariés, qui pourraient faire les frais d’un vaste plan social. Et ceux des consommateurs, qui feront les frais de cette financiarisation”, tonne le Dr Michel Chassang, patron de l’UNAPL.
Pour l’heure, aucun projet de loi n’a encore été dévoilé. Sur le fond, Bercy souhaite faire baisser les tarifs pour rendre du pouvoir d’achat aux consommateurs. Selon l’Inspection des finances, ces professions protégées, qui redoutent de perdre leurs statuts et d’affronter la concurrence, sont 2,4 fois plus rentables que les autres activités économiques.
C’est la première épreuve du feu pour Emmanuel Macron. Comme ses collègues de la Santé et de la Justice, le nouveau ministre de l’Économie joue l’apaisement. “L’objectif de la future loi est de lever les blocages, de créer et de développer de l’activité en tenant compte de la sécurité juridique et sanitaire, explique-t-il au JDD. Ma volonté n’est pas de stigmatiser. Je comprends les angoisses que certains peuvent avoir suite aux annonces d’il y a quelques mois mais ils manifestent contre une attitude qui n’existe plus.”
Force ouvrière à la rescousse
La discussion va s’ouvrir jeudi avec les notaires. Outre les manifestations sur la voie publique, ceux-ci disposent d’un moyen de pression méconnu. Lorsqu’ils enregistrent une transaction immobilière, ils sont tenus d’en verser le montant à la Caisse des dépôts (CDC), le temps d’assurer la conformité de l’acte de vente. “Ces quelque 25 milliards d’euros d’encours font partie de notre modèle économique, stabilisent notre bilan financier”, dit-on à la CDC.
Même s’ils n’ont pas le soutien des responsables de la corporation, certains notaires agitent déjà, individuellement, la menace d’un boycott. Les fonds “pourraient être bloqués ailleurs”, a lancé Bernard Drouvin, président du conseil régional des notaires de la cour d’appel de Rennes. Un tel détournement saperait la CDC, bras financier de l’État chargé de financer le logement social, les investissements publics et les PME. Ce risque n’a pas échappé aux responsables de la Caisse, présidée par Pierre-René Lemas, proche de François Hollande et ex-secrétaire général de l’Élysée.
Les professions libérales peuvent compter sur un certain appui, celui de Jean-Claude Mailly, secrétaire général de Force ouvrière. “Les professions réglementées, ce ne sont pas seulement des greffiers de tribunaux de commerce à 30.000 euros par mois. Cela concerne aussi les salariés des études de notaire et d’huissier, que nous représentons. Ils sont très inquiets : pour leur emploi, leur retraite et très mobilisés contre la réforme.” Et le leader syndical d’exprimer son scepticisme : “Sur le plan économique, est-il vraiment pertinent, alors qu’on frôle la déflation, de faire baisser les prix? Mais ma plus grande inquiétude, ce sont des conséquences pour l’emploi.”
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