Sécu et dentistes espèrent s’entendre pour développer la prévention
L’affaire est loin d’être conclue, question de «gros sous». Mais la négociation, à l’automne, d’une nouvelle convention entre dentistes et assurance-maladie doit permettre d’avancer vers une bien meilleure politique de prévention.
La convention en vigueur depuis 2001 présente le même défaut que les précédentes : l’assurance-maladie n’ayant pas les moyens de faire plus, seuls les soins de base (préventifs et chirurgicaux, c’est-à-dire les extractions) sont opposables. Autrement dit, les dentistes s’en tiennent aux tarifs de la Sécu qui rembourse ces actes à hauteur de 70%. En revanche, les prix des actes prothétiques (couronnes, bridges, appareils dentaires…) sont libres et l’assurance-maladie les rembourse peu.
Or les tarifs des soins de base n’ont quasiment pas été augmentés depuis vingt ou trente ans. Ces actes se font sans marge, voire à perte, selon les dentistes. Ils ne sont en tout cas «pas rémunérés à leur juste coût», a reconnu en mai le conseil de l’Union nationale des caisses nationales d’assurance-maladie.
Les dentistes se «rattrapent» en pratiquant des tarifs élevés sur les soins prothétiques qui représentent ainsi les deux tiers de leurs revenus, pour un tiers de leur activité. Une couronne remboursée 75 euros est couramment facturée plusieurs centaines d’euros. La différence est payée par l’assuré et éventuellement par sa complémentaire. C’est ainsi que, note l’Institut de recherche et de documentation en économie de la santé, presque la moitié (46%) des renoncements à des soins pour raisons financières concernent les soins dentaires, loin devant les lunettes et les lentilles (19%).
Les négociations sur la future convention dentaire ne commenceront pas avant septembre. Mais l’assurance-maladie et les deux principaux syndicats de dentistes ont déjà mené en juin des discussions informelles. Sur le principe, ils sont d’accord pour favoriser la prévention. «La prévention, c’est évidemment bon pour la santé publique, souligne un dirigeant de la Caisse nationale d’assurance-maladie (Cnam). Mais c’est aussi bon pour nos finances car c’est un investissement avec un retour rapide : un suivi régulier des enfants se traduit, en deux ans à peine, par une baisse du nombre de caries.»
L’idée est de revaloriser nettement les soins de base pour inciter les dentistes à s’y consacrer davantage. La Cnam demanderait en échange aux dentistes de s’engager à pratiquer des tarifs «raisonnables» sur les soins prothétiques. Et surtout, pour accorder ces augmentations sans creuser son déficit déjà colossal, l’assurance-maladie, qui prend actuellement en charge certaines cotisations sociales des dentistes sur tous leurs honoraires, exclurait de ce dispositif les honoraires dépassant les tarifs Sécu. Elle économiserait ainsi 150 millions d’euros par an, ce qui permettrait une hausse immédiate de 15% des tarifs opposables des soins de base.
Sans rejeter ces pistes, le premier syndicat de dentistes, la CNSD, réclame plus d’efforts, avec «une première augmentation de 35%». L’autre grande organisation syndicale, l’Union des jeunes chirurgiens-dentistes, tout en admettant qu’une revalorisation des soins de base constituerait une «première étape», juge artificiel de les distinguer des soins prothétiques. «Cette séparation a été imaginée pour des raisons comptables, elle n’a aucun fondement médical», explique son représentant, le Dr Pierre Schmidt. L’UJCD voudrait créer un «panier de soins essentiels» bien remboursé par la Sécu, incluant les soins prothétiques, à l’exclusion des «soins d’esthétique pure ou des demandes spécifiques des patients». Les couronnes en métal seraient par exemple remboursées, mais pas les couronnes blanches, plus chères. Mais l’UJCD reconnaît que l’évaluation du coût d’une telle formule est «délicate».
Favoriser la prévention, c’est aussi inciter les patients à aller consulter plus souvent. La Cnam veut instaurer un dispositif ciblant les 6-18 ans. Une consultation annuelle gratuite existe déjà pour les 13-18 ans, mais pour le président de la CNSD, le Dr Jean-Claude Michel, la gratuité ne suffit pas à surmonter «la peur du dentiste, qui existe encore parfois». Il prône donc une modulation des remboursements : les soins seraient d’autant mieux pris en charge que le patient a régulièrement consulté auparavant. La Cnam est favorable à l’idée mais le ministère de la Santé semble réticent. De son côté, l’UJCD songe plutôt à une modulation des remboursements des consultations en fonction des tranches d’âge, la prévention étant évidemment plus «rentable» avec les jeunes patients.