Des traumatismes d’incisives peuvent entraîner, en fonction de la gravité de l’accident, des dommages dentaires et parodontaux plus ou moins importants des tissus durs, de l’endodonte, de la membrane alvéolodentaire radiculaire, de l’os alvéolaire et/ou de la gencive. Une anamnèse approfondie, des contrôles des différents tissus et de l’occlusion de même que des examens radiologiques sont les mesures diagnostiques nécessaires dans le cas d’un traumatisme d’incisives (EBELESEDER & GLOCKNER 1999a). Cet article traite essentiellement des interventions effectuées lors de fractures coronnaires, fréquemment observées après un choc contre une surface dure (par exemple : chute sur l’asphalte, sur des arêtes dures ou blessures par coups). Il s’agit ici de dégradations des tissus durs qui s’accompagnent de pertes d’émail-dentine et éventuellement de détériorations de l’endodonte. Un traumatisme dentaire présentant de plus des fractures radiculaires, des luxations importantes ou des détériorations de l’os alvéolaire n’est pas traité ici. Si les canalicules dentinaires ou la pulpe sont accessibles en raison d’une fracture de la couronne, il faut agir le plus rapidement possible contre une colonisation bactérienne. La surface dentinaire ou la cavité pulpaire doivent être hermétiquement fermées après désinfection de la surface fracturée. Pour cela, un système adhésif dentinaire peut être employé après l’application d’une solution de chlorhexidine (EBELESEDER & GLOCKNER 1999b). La technique du mordançage à l’acide permet ensuite de réaliser des structures adhésives composites. Celles-ci permettent d’obtenir d’excellents résultats esthétiques pour les petits éclats d’émail, leur adaptation de la couleur et leur pérennité ne sont toutefois souvent pas satisfaisantes dans le cas de pertes importantes de tissus durs. Une alternative est la prothèse provisoire fabriquée directement ou une coiffe fabriquée en laboratoire. Après l’élimination des symptômes aigus, une réévaluation de la dent touchée est effectuée après 6 mois environ. Les contrôles de sensibilité, de mobilité et de percussion permettent de faire un pronostic sur la dent atteinte. Si celui-ci est positif, un traitement définitif de la dent doit être entrepris. La restauration standard est depuis de nombreuses années la couronne métallo- céramique. Basée sur une chape métallique, elle offre une bonne résistance au frottement et une bonne résistance à la rupture. Des problèmes esthétiques tels qu’une coloration blanche sur les bords de la couronne et une apparence opaque du noyau métallique sont souvent rencontrés (STRUB 1992). Les couronnes revêtues de matériau composite de polymères comme alternative présentent des interactions avec le milieu présent dans la cavité buccale, une couche d’une épaisseur importante est de plus nécessaire pour l’obtention de résultats esthétiques.
Une autre possibilité est la restauration tout céramique. Les problèmes esthétiques et fonctionnels peuvent être dans ce cas résolus tout en préservant les tissus durs de la dent, de manière non traumatique (CRISPIN 1997, MEYENBERG & IMOBERDORF 1997). BUONOCORE 1955 a créé la fixation adhésive des restaurations après avoir remarqué qu’il était possible de mordancer l’émail par l’acide phosphorique et par suite d’obtenir une microrétention dentaire. ROCHETTE a rapporté pour la première fois en 1975 des expériences concernant les céramiques collées sur des incisives fracturées.CALAMIA & SIMONSEN ont décrit en 1983 un procédé par lequel la céramique peut être mordancée et silanisée. Les possibilités de fixation adhésive des restaurations en céramique ont été ainsi étendues. En effet, le lien adhésif entre la céramique et le matériau de fixation a été considérablement amélioré. Le continuel perfectionnement des céramiques et des composites de fixation compatibles au milieu de la cavité buccale de même que l’optimisation des adhésifs ont permis l’élargissement du domaine d’application de cette forme de restauration. Les restaurations en céramique peuvent être réalisées par différents procédés : frittage sur un support réfractaire (In-Ceram, Vita), CFAO (Cerec, Siemens, Bensheim, D), préssée à chaux (IPS-Empress, Ivoclar Vivadent AG, Schaan, FL) (DONG et al. 1992, STRUB 1992, LUTHY et al. 1996).
Le système In-Ceram® de Vita propose trois types de matériau d’infrastructure ayant chacun des caractéristiques mécaniques différentes permettant de couvrir l’ensemble des
restaurations unitaires jusqu’à la réalisation de petits bridges. Dans ce système, le praticien doit choisir la résistance de l’armature en fonction des exigences cliniques :
• In-Ceram® Spinell, très translucide, est indiquée pour restaurer des incisives pulpées, non discolorées en l’absence de parafonction
• In-Ceram® Alumina, opaque mais plus résistante, est indiquée pour les dents antérieures dépulpées, de teinte très saturée ou discolorée, voire les petits bridges antérieurs.
• In-Ceram® Zirconia est indiquée pour la réalisation de faux moignon de pilier dentaire, les petits bridges antérieurs de trois à quatre éléments
Dans le système l’IPS Empress, la restauration est modelée dans de la cire, placée dans un matériau d’enrobage chargé de phosphate puis fondue. La forme creuse ainsi obtenue est remplie de céramique plastifiée dans une presse spéciale. La coloration individualisée n’est pas faite, contrairement au cas de la céramique frittée, lors de la stratification mais surtout par maquillage et vernissage. L’objectif est de restituer non seulement la fonction mais aussi la couleur, la forme et la translucidité naturelles.
La translucidité est très utile afin de favoriser la diffusion de la lumière dans la dent et les tissus parodontaux marginaux, éléments essentiels pour atteindre une apparence naturelle optimale. Les armatures Empress® et In-Ceram® Spinell sont
alors recommandées. Afin d’assurer la survie à long terme, une adhérence élevée (mordançage chimique de l’intrados + silane + collage) est indispensable.
Ainsi, on obtient un « renforcement » de la restauration par la mise en compression du matériau et la répartition des contraintes. Une grande résistance mécanique n’est pas indispensable.
L’armature Procera® semi-translucide, plus résistante, donne d’excellents résultats pour les coiffes en utilisant simplement des ciments adhésifs. Remarque : pour l’indication de facette, la référence biomimétique, associée à un excellent résultat à long terme, demeure la facette en céramique feldspathique « collée »
Masquer la dyschromie du pilier est une nécessité afin de restaurer une apparence naturelle, la translucidité est à proscrire. Le choix se porte sur une armature opaque In-Ceram® Alumina, ou semi-opaque (Procera® alumine ou zircone Y-TZP). Une adhérence élevée n’est alors pas indispensable. Une
haute résistance mécanique peut être utile.
Les formes de traitement tout céramique constituent dans le cas de pertes de tissus durs des dents une alternative intéressante aux méthodes usuelles. Les restaurations tout céramique sont considérées particulièrement compatibles avec les tissus. Des altérations inflammatoires de la gencive marginale ne sont que rarement observées. En comparaison avec les restaurations en matériau synthétique ou céramo-métallique, la rétention de plaque est plus faible (SAVITT et al. 1987). Il est de plus généralement possible de renoncer à un édifice sous-gingival des limites de la couronne car aucun joint foncé n’est à craindre grâce à l’adaptation de la couleur de la céramique à la dent naturelle. Il se posait autrefois le problème d’un matériau de fixation adapté aux restaurations tout céramique. Il existe à présent des composites modernes, moins solubles et résistants à l’abrasion, qui assurent une adhésion fiable de la restauration sur la dent ainsi qu’une résistance marginale plus durable (VAN MEERBECK et al. 1994, JACKSON 1996, CRISPIN 1998, MALAMENT & SOCRANSKY 1999). Ceci signifie pour les patients un meilleur état parodontal pour une même hygiène buccale ainsi qu’une diminution du risque de carie secondaire (CAVEL et al. 1988, BIENIEK et al. 1993, TIDEHAG & GÜNNE 1995). La réduction de tissus durs de la dent est plus faible dans le cas de la préparation des couronnes facette et que celle nécessitée par la technique de stratification sur support métallique. Les préparations de couronnes tout céramique nécessitent par contre une place comparable si celles-ci doivent être munies d’une armature en céramique. Comme objet de discussion, il reste toutefois la difficulté de précision de l’adaptation, la plus grande tendance à la fracture en raison de la structure fragile de la céramique et les coûts élevés pour le patient (BIENIEK 1992, MARX 1993, MEIER 1995, ERPENSTEIN et al. 2000). Le risque de fracture non seulement de la céramique mais aussi de la dent a été minimisé par la technique adhésive. Des céramiques fixées sur l’émail de la dent par le procédé du mordançage à l’acide ont été soumises à des tests in-vitro de traction et de rupture. Les ruptures étaient des ruptures cohésives à l’intérieur de l’émail, de la céramique ou du ciment composite, mais rarement aux interfaces de deux de ces trois structures. Ceci signifie que les restaurations en céramique fixées par adhésion peuvent stabiliser le reste des tissus de la dent (MORIN et al. 1984, SHETH et al. 1988, LOPEZ et al.1991). La sollicitation occlusale nécessaire jusqu’à la fracture de la dent reconstruite est parfois égale à celle nécessaire pour la fracture d’une dent sans carie et sans restauration (DERAND 1989, BURKE 1999). Il est recommandé pour des raisons esthétiques de restaurer les dents du secteur antérieur par stratification sur une chape pressée ou sur une couronne réduite par abrasion avec des masses en céramique (BIENIEK et al. 1993). Un bon effet en profondeur de la couleur de la restauration peut ainsi être obtenu. La technique de maquillage seule n’offre dans le cas de reconstitution des incisives que des possibilités esthétiques limitées. En raison de la translucidité élevée des restaurations en céramique, l’état initial de la couleur et de la translucidité de la dent à soigner prend énormément d’importance. Le procédé de blanchiment de même que l’incorporation d’armatures de la couleur de la dent élargissent l’éventail des possibilités de traitement (STAPPERT 1999). Des études cliniques sur les traitements facette (FRADEANI 1998 – 6 ans de port, 98,8% de réussite ; PEUMANS et al. 1998 – 5 ans de port, 93% de réussite) permettent de prévoir un bon pronostic à long terme de ce type de restauration. Des études in-vitro sur cette forme de traitement attestent également d’une bonne durabilité (MAGNE & DOUGLAS 1999, CASTELNUOVO et al. 2000). Ceci s’applique également aux restaurations de couronne tout céramique (ODEN et al. 1998), bien que des résultats d’études prospectives sur plus de dix ou vingt ans, comme ils existent sur les couronnes avec stratification céramique, manquent encore. Des facteurs restrictifs pour l’indication d’une couronne tout céramique sont : une occlusion attritionnelle ou profonde, la bruxomanie ou des problèmes d’articulations temporo-maxillaires. En effet, chez ces patients, des forces paraphysiologiques imprévisibles peuvent agir sur les dents et entraîner des ruptures dans la céramique (FRADEANI & BARDUCCI 1996, DALLOCA & BRAMBILLA 1997). En conclusion : la reconstruction d’incisives par des restaurations tout céramique est désormais considérée comme une méthode fiable.
sources : Restauration tout céramique – Détérioration traumatique des incisives Christian F. J. Stappert – Restaurations céramocéramiques
P. Margossian, G. Laborde
Mots clés: céramique, couronnes veneers, IPS Empress®, Procera®, blanchiment