Cette maladie auto-immune (c’est-à-dire que l’organisme développe des anticorps qui vont se diriger contre ses propres tissus et entraîner leur destruction) touche environ 100.000 personnes en France (soit entre 0,1 et 0,2% de la population) et les femmes dans plus de 90% des cas. L’âge moyen du diagnostic est d’environ 50 ans, “mais les symptômes ont très bien pu débuter de nombreuses années auparavant”, signale le Pr Sibilia. Par ailleurs, lorsque des signes cliniques apparaissent, la maladie existe déjà depuis plusieurs années sur le plan immunitaire, fait-il observer.
Dans le cas d’un Gougerot-Sjögren, les organes reconnus comme étrangers sont avant tout les glandes exocrines, en particulier lacrymales et salivaires, qui se trouvent détruites par les lymphocytes (cellules du système immunitaire) et des anticorps sécrétés par ces cellules.
“Sur le plan symptomatologique, décrit le Pr Sibilia, la maladie se manifeste par une sécheresse buccale (plus ou moins associée à des sensations de brûlures ou de langue cartonnée) et oculaire (yeux qui piquent au vent, par exemple), parfois par une quinte de toux (traduisant une sécheresse trachéale voire bronchique faisant penser à tort à un asthme). D’autres troubles surviennent parfois, tels qu’une grande fatigue, une dépression, une perte de poids, des douleurs articulaires ou musculo-articulaires (avec une fatigabilité à l’effort) ou encore généralisées (“mal partout”), qui sont en quelque sorte la marque de fabrique du syndrome, sans pour autant en connaître le mécanisme”.
De telles diversités cliniques expliquent quelques errances médicales en terme de diagnostic, ainsi que certaines difficultés thérapeutiques, commente le spécialiste.
Deux situations cliniques peuvent se rencontrer chez la femme, en fonction de l’âge. “Le syndrome de Gougerot-Sjögren doit être évoqué soit chez une femme jeune (entre 20 et 40 ans) présentant une sécheresse oculo-buccale associée à des douleurs articulaires et des troubles vasculaires périphériques (tel qu’un syndrome de Raynaud, trouble caractérisé par des doigts devenant blancs et insensibles, lié à une vasoconstriction des petits vaisseaux sanguins en réaction au froid, ndlr), soit chez une patiente plus âgée ménopausée qui consulte pour une fatigue générale et des douleurs diffuses”, illustre le médecin.
Comme on peut ainsi le constater, cette maladie auto-immune offre un aspect clinique plutôt hétérogène qui entraîne parfois un retard au diagnostic.
Par ailleurs, d’autres atteintes peuvent se rencontrer (chez 10 à 20% des malades), telles qu’une inflammation des ganglions, des poumons, des reins, de la rate et du coeur.
SUR QUELS EXAMENS SE FONDER POUR LE DIAGNOSTIC ?
De l’avis du Pr Sibilia, deux types de tests sont utilisés en pratique courante : le test de Schirmer, examen destiné à mesurer la quantité de larmes sécrétée par les glandes lacrymales, et des tests immunitaires recherchant la présence d’anticorps spécifiques de maladies auto-immunes.
Le test de Schirmer consiste à placer, près de l’angle externe de l’oeil, une bandelette de papier millimétré, le patient devant garder les yeux ouverts. Au bout de 3 minutes, on mesure le nombre de graduations humidifiées, décrit le rhumatologue, en ajoutant que le syndrome de Gougerot-Sjögren se distingue “soit par l’absence de larmes, soit par une quantité de larmes normales, mais de mauvaise qualité”.
Quant aux tests immunitaires effectués sur simple prise de sang, ils sont destinés à rechercher des anticorps dits antinucléaires (anticorps anti-SS-A ou anti-Ro et anticorps anti-SS-B appelés encore anti-La), qui signent l’existence d’une maladie auto-immune, poursuit-il.
Dans la mesure où ces anticorps ne sont pas spécifiques d’un Gougerot-Sjögren (ils sont également retrouvés dans d’autres maladies auto-immunes telles que le lupus), la biopsie des glandes salivaires accessoires (autres que les glandes sous-maxillaires, sublinguales et les parotides) s’avère utile pour confirmer le diagnostic. Elle est réalisée généralement au niveau de la lèvre inférieure (partie interne ou muqueuse), avec prélèvement de plusieurs petites glandes après une incision de 2 à 4 mm sous anesthésie locale. Les résultats histologiques, en cas de diagnostic positif, montrent la présence d’un ou plusieurs nodules lymphocytaires.
DES PISTES THÉRAPEUTIQUES
Malgré certaines déceptions (comme l’inefficacité des anti-TNF alpha qui ont révolutionné le traitement de la polyarthrite rhumatoïde), plusieurs pistes thérapeutiques sont actuellement évaluées.
“Un médicament couramment utilisé par les hématologues représenterait un véritable espoir pour traiter les complications graves d’un syndrome de Gougerot-Sjögren, comme les lymphomes : il s’agit d’un anticorps monoclonal bloquant certaines cellules de l’immunité comme les lymphocytes B”, informe le Pr Sibilia. Selon lui, les recherches s’orientent vers la mise au point de médicaments permettant d’empêcher le système immunitaire des malades d’être “trop actif”.
D’autres traitements prometteurs visent à améliorer les sécrétions lacrymales et salivaires.
UNE ASSOCIATION POUR AIDER LES PATIENTS
L’Association Française du Gougerot-Sjögren et des syndromes secs est une association loi de 1901 à but non lucratif, fondée en 1990.
Elle est animée par des bénévoles et regroupe uniquement des malades atteints d’un syndrome sec. Elle a pour objectifs de transmettre des informations concernant cette pathologie, d’aider financièrement la recherche médicale, d’apporter un soutien moral aux patients et de leur permettre de se rencontrer. Elle organise par ailleurs des réunions périodiques, édite un bulletin trimestriel et propose un accueil soit par téléphone*, soit par e-mail (afgs@wanadoo.fr). Elle possède également un site Internet (www.afgs-syndromes-secs.org)./ajr
* Accueil téléphonique : – le lundi et le jeudi, de 8h30 à 10h : 01 44 18 38 68 – du lundi au vendredi, de 17h30 à 19h : 01 45 88 27 67 – du lundi au mercredi et le vendredi, de 8h à 9h30 : 03 25 03 17 03 – le mercredi de 10h à 12h et le samedi de 9h à 11h : 03 20 31 12 35 Antenne administrative : 05 63 61 04 70 (heures de bureau)
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