Petites pastilles de fluor en classe
«Nous avons été victimes d’une illusion collective; nous nous sommes endormis sur nos lauriers», constate Bernard Ciucchi, directeur de la Clinique dentaire de la jeunesse, à Genève. Il ne peut que déplorer cette démobilisation qui a suivi la période d’euphorie et d’autosatisfaction après la victoire sur la carie.
Les mesures d’éducation et de prévention collectives mises en place dans les années 60 ont porté leurs fruits. La distribution systématique de comprimés de fluor en classe, la fluorisation de l’eau potable, les contrôles dentaires à l’école ont conduit à une régression considérable de la carie. Les pouvoirs publics ont également investi dans la santé sociale et mis en place des cliniques dentaires accessibles aux budgets familiaux. De 1965 à 1995, la carie dentaire chez les enfants suisses a reculé de 90%.
Mais, dès 1995, ce mouvement régressif cesse. Les statistiques récentes font apparaître une augmentation générale des caries, en particulier sur les dents de lait. Les petits enfants jusqu’à 5 ans sont les plus touchés, avec une augmentation de 4% l’an.
Trop de sucre
En 2000, 36% étaient porteurs de caries. Cette proportion est passée à 40% en 2003. Une campagne nationale de prévention sera lancée le 9 septembre pour tenter d’enrayer le phénomène…
Cњur de cible: les jardins d’enfants, les écoles enfantines et les deux premières classes primaires. Le rapport de la Société suisse d’odontostomatologie (SSO) sur la santé buccale dans notre pays le dit clairement: les petits ont déjà des dents cariées à leur arrivée en milieu scolaire. Ils ont pris l’habitude de téter des biberons de boissons sucrées, ou de s’endormir avec une friandise en bouche. Tout désigne une trop grande consommation de sucre. Cette recrudescence de la carie dentaire chez les jeunes a différentes causes. L’arrivée d’enfants d’autres pays où la prévention existe peu ou pas du tout a certes fait augmenter la statistique et mis en lumière l’importance du milieu social. «Toutes les études épidémiologiques actuelles confirment l’influence déterminante de la condition sociale dans le risque et l’atteinte de la carie», affirme Bernard Ciucchi. Les restrictions budgétaires ont également contribué à amoindrir la prévention dans les écoles. Mais ce n’est pas tout: les habitudes alimentaires changent. Le grignotage, valorisé par la publicité pour les barres de céréales et autres goûters préemballés, et sucrés, pèse d’un poids certain sur les dents et sur la silhouette.
Brosse à dents essentielle
«Nous ne sommes pas égaux face à la carie», indique Bernard Ciucchi. On sait maintenant que l’hérédité a son mot à dire. Ainsi, d’autres formes de prévention, complémentaires de celles actuelles, font naître des espoirs. A l’avenir, le dépistage des risques de carie chez la future mère rendra possible un traitement avant et juste après la naissance de l’enfant. L’information passe également par le pédiatre qui aide à débusquer précocement les premières lésions sur les dents de lait des nourrissons.
Objectif principal de la campagne automnale: réussir à faire entrer dans la tête des enfants, et de leurs parents, que la brosse à dents est un accessoire essentiel, à utiliser trois fois par jour.