Privés de soins anti-rides sur les lèvres, les chirurgiens-dentistes montent au

PARIS — Les chirurgiens-dentistes sont montés au créneau lundi, après l’annonce par la secrétaire d’Etat à la Santé Nora Berra qu’ils ne pourront plus procéder à des injections d’anti-rides pour regonfler les lèvres de leurs patients.
Les produits de comblement à base d’acide hyaluronique, qui avaient déjà suscité des inquiétudes à la suite du scandale des prothèses mammaires PIP, ne pourront plus être administrés par les chirurgiens-dentistes afin de corriger un défaut de dentition, a annoncé Mme Berra.
“Les chirurgiens-dentistes ont fait une interprétation de la loi. Moi je confirme le message qui a été envoyé par la Direction générale de la santé: l’usage de produits de comblement sur le visage ne relève pas de leur compétence”, a déclaré la responsable sur RTL.
Le Code de santé publique inclut pourtant depuis 2004 dans les champs d’intervention des chirurgiens-dentistes, en plus des dents, de la bouche et des maxillaires (les os sur lesquels les dents sont implantés), les “tissus attenants”, retranscrivant en cela une directive européenne de 1998.
Or, pour le président de l’Ordre national des chirurgiens dentistes (ONCD), Christian Couzinou, ce terme “tissus attenants” désigne clairement “l’intra et l’extra-buccal”, donc notamment les lèvres.
Ce n’est pas l’interprétation des autorités sanitaires. La Direction générale de la santé (DGS) et la Direction générale de l’offre de soins (DGOS) ont envoyé ces derniers jours une lettre à l’Ordre pour indiquer que le terme “tissus attenants” ne désigne que ce qui est dans la bouche et non pas à l’extérieur.
“Cette lettre est contraire à la directive européenne et au Code de la santé publique” affirme Dr Couzinou, qui souligne que d’autre pays comme le Royaume-Uni autorisent leurs chirurgiens-dentistes à pratiquer des injections sur les lèvres.
Mme Berra a annoncé lundi la publication prochaine d’un décret d’application pour “clarifier” définitivement le sujet et écarter les lèvres du champ de compétence des chirurgiens-dentistes.
Les dentistes prennent l’annonce comme une déclaration de guerre, avec la perspective d’une dangereuse restriction de leur champ d’intervention.
“C’est notre capacité professionnelle qui est en jeu et là-dessus nous ne céderons pas, on ira devant le Conseil d’Etat, devant la Cour de justice européenne s’il le faut”, martèle le Dr Couzinou.
Du côté des syndicats, la réaction est tout aussi virulente. “Je m’inscris en faux contre les propos de Mme Berra et pour des raisons qui n’ont rien à voir avec l’argent”, souligne Roland L’Herron, président de la Confédération nationale des syndicats dentaires (CNSD).
Il y a des cas précis pour lesquels les produits de comblement sont indiqués: par exemple des personnes édentées depuis des années, dont la maxillaire s’est rétrécie et à qui il faut redonner du volume à la lèvre, explique M. L’Herron.
“J’ai été ravi de voir arriver sur le marché l’acide hyaluronique pour des raisons plus fonctionnelles qu’esthétiques”, souligne-t-il.
Parmi les 40.000 chirurgiens dentistes exerçant en France, seuls quelques centaines pratiqueraient ce type d’injections, tandis qu’aucune formation spécifique n’est pour l’heure inscrite dans le cursus officiel des dentistes, qui pratiquent déjà des soins esthétiques avec les opérations de blanchiment des dents.
La profession s’est d’ailleurs récemment insurgée contre la multiplication en France des “bars à sourire”, ces salons de beauté spécialisés dans l’éclaicissement dentaire.

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