C’est seulement le retraitement qui met en évidence les lacunes de ce premier traitement endodontique. La technique utilisée ne peut être évaluée ; on constate seulement l’échec de ce traitement. Les données épidémiologiques actuelles montrent le rapport entre la qualité médiocre de l’obturation canalaire et la présence d’une zone périapicale suspecte. Ces études concernant cette relation ne mobilisent finalement la communauté scientifique que depuis peu (à partir de 1986) mais elles sont nombreuses et probantes. Il semble judicieux pour l’avenir d’étudier prospectivement l’évolution de traitements endodontiques réalisés suivant un protocole strict. Les techniques récentes, grâce aux nouvelles technologies et sur base des études, visent à obtenir des résultats reproductibles. Mise en forme, désinfection et obturation entrent dans des standards de qualité qui permettront de juger plus objectivement l’influence des matériaux et des techniques de restauration coronaire sur la santé périapicale. Les études rétrospectives impliquant de nombreux paramètres sont finalement à la mesure de la relativité des chiffres émanant de cette méthodologie : elles posent beaucoup de questions, mais apportent peu de réponses …
L’échec endodontique, c’est l’apparition ou la persistance d’une parodontite apicale. II est admis que la présence d’une parodontite apicale est directement liée à une contamination bactérienne de l’espace canalaire. L’ensemble des procédures cliniques d’un traitement endodontique doit être réalisé dans le strict respect des règles d’asepsie afin de limiter le risque de contamination par les bactéries de la cavité buccale. L’antisepsie est réalisée lors des étapes de mise en forme du système canalaire par l’instrumentation associée à une irrigation abondante à l’aide d’une solution antiseptique. La restauration coronaire doit être mise en place au plus vite après l’obturation canalaire afin d’éviter une recontamination bactérienne par voie coronaire.
II est écrit que ” Même si le scellement canalaire est considéré comme une suture en fin d’intervention, le maintien de tout résultat endodontique dépend de la qualité de l’obturation de l’endodonte.” et encore que “L’obturation est l’ultime étape du traitement endodontique, et permet d’assurer la perennité du travail effectué lors du nettoyage et de la mise en forme du système canalaire”. La notion de “percolation coronaire” est venue bouleverser ces idées, mais quelle est l’importance accordée actuellement à la “percolation coronaire”
Alors que les études épidémiologiques ont toujours voulu expliquer la présence de lésions apicales par l’obturation canalaire incomplète, il est maintenant établi qu’il ne faut pas exagérer l’importance de l’obturation par rapport à la préparation canalaire. C’est bien la persistance de micro-organismes dans le système canalaire qui est responsable de l’échec endodontique.
En relativisant l’impact de la percolation coronaire dans l’apparition de la parodontite apicale, ces études ne remettent nullement en question son principe. Un bon traitement radiculaire peut entraîner un échec si une percolation se produit après à partir de la couronne dentaire. Une étude récente de Dugas et al. (2003, Int.End.J.) corrobore ce fait. Elle démontre que la qualité de l’obturation coronaire n’a que peu d’impact sur la fréquence de lésions péri apicales lorsque la qualité du traitement endodontique est médiocre. Celui-ci est alors le facteur déterminant de l’échec. Par contre, lorsque l’obturation radiculaire est jugée de bonne qualité, la fréquence de lésions est trois fois plus élevée si l’obturation coronaire est déficiente ! La dent dévitalisée se montre plus « poreuse » (Master et al., 1995) et compte un plus grand nombre de portes d’accès aux bactéries : la restauration coronaire ellemême, les éventuelles micro fractures coronaires, le plancher pulpaire avec la présence de canaux accessoires (Saunders,1990), ainsi que les tubuli dentinaires au niveau des zones cervicales. Cette dernière source de percolation n’est pas négligeable. Certaines études (Scianamblo, 1977; Berutti, 1996) montrent une disposition particulière à l’invasion bactérienne de ces tubuli lorsque le cément présente une usure marquée au collet (Fig.3). Dans ces circonstances, une pénétration des bactéries à partir du sulcus gingival est manifeste après seulement 20 jours et l’obturation canalaire est totalement contaminée en 80 jours. Lors d’une exposition directe à la salive les délais sont nettement plus courts. Torabinejad et Coll (1990) montrent que 19 à 42 jours suffisent pour que la moitié des monoradiculées examinées présentent une contamination canalaire totale. D’autres études (Khayat et Coll,1993 ; Trope et Coll, 1995) rapportent des délais comparables : respectivement de 30 et 20 jours. Une herméticité totale du canal radiculaire se montre impossible par la seule obturation de celui-ci. Cela nous amène à des conclusions importantes sur le plan clinique :
De nombreux endodontistes pensent que la chambre pulpaire doit être fermée hermétiquement immédiatement après le traitement endodontique et de préférence lors de la même séance. Il est important de veiller, dans ce cas, à fermer l’entrée des canaux jusqu’à hauteur de l’attache épithéliale.
• Dans le cas d’une restauration coronaire différée, l’obturation temporaire ne peut rester en place plus de 3 semaines. Une obturation provisoire est préférée audelà de ce délai. Nous verrons plus loin la distinction qu’il convient de faire entre ces termes.
• Si le placement d’un tenon par technique indirecte est indiqué, il est important de considérer la recontamination du canal au moment de la préparation du logement
et du placement.
• Une dent dont l’obturation radiculaire est exposée à la salive pendant plus de 3 mois doit être retraitée sans hésitation avant de faire l’objet d’une nouvelle obturation coronaire. C’est le cas lors d’une récidive de carie concernant l’entrée des canaux obturés ou suite à une perte d’obturation coronaire. Il est démontré qu’il y a une nette augmentation de la percolation passé ce délai (Magura, 1991). Les matériaux Le succès durable d’une restauration coronaire dépend des qualités physiques et chimiques des matériaux utilisés.
Ce sujet demande une revue exhaustive de la littérature scientifique qui laisse encore place au doute.
Le composite nous est imposé presque « culturellement », principalement pour des raisons esthétiques. En matière d’obturation coronaire, ce n’est pas encore la panacée, mais on le sait. Les efforts vont indubitablement vers une amélioration des propriétés de ces matériaux et des ciments adhésifs et chimiquement actifs.
Il y a quasi unanimité pour reconnaître les faiblesses de l’interface dentine/composite dans la restauration des dents dépulpées (Qvist,1993 ; Fitchie,1994 ; Craig,1997 ; Ciucchi,1997). Le fait que l’on rapporte plus de parodontites apicales associées à ces restaurations coronaires (Hommez et al.,2001 ; Buckle et Spangberg,1995) doit
aussi nous interpeller. Aux problèmes de contraction de polymérisation et d’expansion
hydroscopique qui ne sont pas propres aux dents
dépulpées s’ajoutent ici la dénaturation dans le temps de la structure organique de la dentine et le rôle de l’eugénol contenu dans les ciments endodontiques.
La perte de vitalité de la dent induit une dénaturation de sa structure organique dont l’importance est proportionnelle au temps écoulé depuis le traitement endodontique.
Les fibres de collagène se raréfient en surface,
diminuant leurs entrelacements et la couche tridimensionnelle essentielle à l’adhésion. Ceci est important lors de la restauration de dents dévitalisées depuis plus de 10 ans : on note une diminution de 20 % de l’efficacité du collage. (Mason PN.,2001)
Les effets négatifs de l’eugénol sur la polymérisation des résines sont mis en évidence dans des publications et des tests in vitro encore récents (Schwartz RS.,1998 ; Brett I.,200 ; Hagge MS.,2001). Ceci est en contradiction avec d’autres études tout aussi sérieuses (Terata, 1993 ; Woody,1992 ; Teratar Nakashima K.,1994).
Le doute subsiste, mais ne doit pas nous faire oublier néanmoins quelques précautions élémentaires : une élimination soigneuse des résidus de ciment par fraisage superficiel de la dentine qui est ensuite abondamment rincée avant mordançage.
Le facteur déterminant dans ces techniques de collage reste la méticulosité de l’opérateur, ce qui est peut-être moins le cas pour l’amalgame …
Les propriétés mécaniques de l’amalgame permettent de mieux l’utiliser dans les secteurs postérieurs. Cependant, les problèmes générés par le bimétallisme avec l’or pour les restaurations préprothétiques, ainsi que la médiatisation exagérée des risques du mercure ne favorisent
plus son utilisation.
Notons qu’aux USA ce type de restauration reste parfaitement d’actualité. L’ « amalgam post-core restoration » est, en effet, le mode de restauration des dents dépulpées le plus communément utilisé Outre-Atlantique…
Les facteurs suivants sont à prendre en considération lorsqu’on évalue l’étanchéité d’une obturation provisoire.
• L’épaisseur du matériau : une épaisseur d’au moins 3,5 mm est nécessaire pour assurer étanchéité et résistance aux forces occlusales (Webber, 1978). Ceci suppose une restauration préalable des dents fortement délabrées avant le traitement endodontique.
• La résistance du matériau : qu’importent les qualités d’adhérence et d’étanchéité, si celui-ci ne peut subir la pression des forces occlusales ?
• La forme de la préparation : le risque de percolation est proportionnel à la surface de l’interface cavité/obturation et au nombre de faces.
• La limite cervicale : l’étanchéité est moindre quand
les limites se trouvent sous le niveau gingival.
On parle d’obturation temporaire pour les restaurations à très court terme, c’est-à-dire trois semaines au plus. On définit l’obturation provisoire pour les restaurations après plus d’un mois. Lorsqu’il est nécessaire d’attendre les suites du traitement endodontique ou dans la perspective d’autre traitements. On restaure alors provisoirement au mieux en attente d’un traitement plus durable.
INDICATIONS
TEMPROAIRES
-Sulfate de calcium (cavit)
-oxyde de zinc-eugenol
-IRM
PROVISOIRE
-Ionomères de verre
-Composites
-Compomères
TEMPORAIRES
-Sulfate de calcium : Fort répandu dans la pratique dentaire en raison de sa facilité d’emploi, ses indications n’en sont pas moins limitées. Ses propriétés médiocres de résistance à la compression et à l’abrasion (Libermann,
2001) limitent son utilisation à l’obturation temporaire (3 semaines) de petites cavités (maximum 2 faces) sur les incisives et canines.
L’absorption hydroscopique favorise en outre la recontamination bactérienne.
-Oxyde de zinc-eugenol : Sa résistance moyenne à la compression (12 Mpa) et correcte à l’abrasion en fait un matériau indiqué pour les obturations temporaires (3 semaines) d’une et deux faces, dans tous les secteurs.
-IRM : Cet oxyde de zinc-eugenol renforcé offre une résistance à la compression de 80 Mpa suffisante pour une obturation temporaire (3 semaines) de cavités de plus des 2 faces. Il offre aussi une résistance aux infiltrations nettement
supérieure au ZOE (Scotti,2002).
Ses qualités d’étanchéité dépendent aussi de sa manipulation : le matériau doit être suffisamment fluide au moment de la pose.
PROVISOIRES
-Ionomères de verre modifiés : Ils sont indiqués pour l’obturation provisoire (plus de 3 semaines) des orifices canalaires et du plancher pulpaire des pluri-radiculées après le traitement endodontique. Leurs qualités d’étanchéité en font ici un matériau de choix en comparaison des autres (Chailertvanitkul, Saunders, 1997). Par la suite, ils sont mis en fine couche de fond vu l’excellente adhésion dentinaire, tout en laissant assez de place pour la restauration. C’est la principale indication du fait de la moyenne résistance à la compression (200 Mpa) et à l’abrasion. Ils ne sont pas indiqués comme unique obturation dans le secteur postérieur (Gladys et al.,1997) et non plus à titre de restauration préprothétique (Gateau et al.,1999)
-Composites : Lors de la restauration provisoire en attente d’un recouvrement prothétique, ils font évidemment bonnes figures grâce à leurs bonnes propriétés mécaniques : résistance à la compression de 400 Mpa, bonne résistance à l’abrasion et module d’élasticité comparable à la dentine. Demeurent les problèmes de collage décrits plus haut, particulièrement à proximité de l’entrée des canaux. La contraction de polymérisation (Craig,1997) ajoutée à l’expansion hydroscopique (Larsen,1991 ; Mazer, 1992) et la présence de vides (Giucci,,1997) n’en font pas un matériau idéal pour l’obturation des orifices canalaires. Il est préférable d’utiliser les ionomères de verre comme fond de cavité. Malgré le soin apporté à la pose du composite sur la 46, la présence de vides (fig.7) est assez courante à l’entrée des canaux. La 45 est restaurée avec fiber-post collé. La moindre résistance à la compression du composite flowable et sa contraction de polymérisation étant augmentée du fait d’une élasticité plus importante, font renoncer à cette possibilité d’alternative (Bayne,1998 ; Ferrari, 2000).
-Compomères : Avec une résistance à la compression de 300 Mpa, ces matériaux n’offrent pas de meilleurs avantages que les composites. Ils en ont les mêmes indications
QUELQUES CONSEILS …
1. Restauration rapide : Quel que soit l’importance de la percolation coronaire sur la santé périapicale, son rôle est incontestable. Certains attribuent en partie les échecs à une recontamination au moment de la restauration coronaire ou lors de la préparation d’un logement radiculaire éventuel (Tronstad, 2000 ; Helling, 2202) et suite aux délais passés entre les séances de traitement.
2. Préservation maximale : Garder le maximum de substance dentaire résiduelle est primordial pour la solidité finale du traitement restaurateur. (Reeh ES et al.,1989 ; Sorensen,1989)
3. Pas d’ancrage : La relation entre la présence d’un ancrage radiculaire et une lésion périapicale est citée dans la littérature (Eckerbom, 1987 ; Tronstad, 2000 ; Kvist, 1989 ; De Moor, 2000) mais n’est pas démontrée de manière systématique (Hommez et al., 2001). En revanche, le rapport entre la présence d’un ancrage et une fracture radiculaire est plus fréquemment noté. Il est souhaitable, pour ces deux raisons, de n’y avoir recours qu’en cas de nécessité. Il semble ainsi admis que lorsqu’au moins trois parois d’épaisseur et de hauteur (4mm) suffisantes entourent la chambre pulpaire, l’ancrage n’est absolument pas nécessaire. En aucun cas, il ne renforce mais peut au contraire fragiliser.
4. Sous-occlusion de la dent : Après le traitement endodontique, ceci semble être recommandable en raison de la fragilité accrue de la dent dépulpée et non restaurée. Cela permet de limiter la contrainte en occlusion sur la restauration provisoire.
5. Préparation coronaire de dépouille : Si la dent doit être restaurée prothétiquement, il faut une vision exacte de la quantité de substance résiduelle en prévoyant les parois qui sont éliminées par la taille. L’obturation peut s’éliminer d’elle-même par la suppression des zones rétentives lors de la taille.
6. Précautions particulières pour le logement des tenons : Le logement doit être réalisé sous digue, car la recontamination est importante lors de sa préparation. Si le placement du tenon est différé, il faut créer un barrage aux bactéries étant donné le risque rapide de réinfection (Barrieshi et coll.,1997) en plaçant dans le logement préparé, un hydroxyde de calcium ou de la chlorexidine. Avant et après chaque réalisation (notamment lors de la prise d’empreinte), il importe de rincer abondamment à
l’hypochlorite.
Un faux-moignon coulé, scellé hermétiquement, peut servir de restauration en attente d’un bon pronostic endodontique avant la restauration prothétique.
La présence de lésions périapicales (Fig.8) peut compromettre
le pronostic. Le faux-moignon coulé est néanmoins placé rapidement. Après 6 mois, la guérison périapicale (Fig.9) va permettre une restauration prothétique durable sur ce faux-moignon.
La décision d’une restauration provisoire n’est donc pas innocente. La règle d’or est de se soucier en priorité du temps. Le plus tôt la dent sera définitivement restaurée,
au mieux cela sera. Si une obturation provisoire est décidée, le matériau sera choisi tenant compte de ce facteur déterminant.
Les obturations canalaires à la gutta foulée ou compactée, scellées aux parois de l’endodonte par un ciment adhérant à la dentine et peu soluble, sont les techniques les plus efficaces pour limiter les risques de percolation.” MAIS “Cette étanchéité doit être maintenue dans le temps et pour cela il faut éviter toute percolation des bactéries de la salive. Avec une reconstitution coronaire transitoire, ciment temporaire ou eugénolate, elles peuvent s’infiltrer dans l’endodonte. Ce phénomène est constaté dans de nombreuses études réalisées in vitro. Les résultats varient en fonction des protocoles expérimentaux, des techniques et des matériaux utilisés, mais, à 90 jours, la contamination est presque toujours effective.
Une reconstitution coronaire définitive doit donc être rapidement réalisée une fois le traitement canalaire terminé. Il s’agit de reconstitutions par résine composite ou amalgame d’argent. Elles pourront être complétées, quand l’indication est posée, par une coiffe prothétique. Ce dernier traitement ne sera cependant réalisé que quand la cicatrisation apicale sera engagée.
Le respect de telles procédures est nécessaire pour obtenir le succès de nos traitements endodontiques et il est indispensable de compléter toute obturation canalaire par une reconstitution coronaire étanche à long terme. ” (Paul CALAS et Franck DIEMER)
-Endodontie Bruxelles
Dr. PATRICK BOGAERTS – Dr. Dominique MARTIN – (ADF 2003)
-Le scellement du système canalaire (obturation de l’endodonte) le concept d’unité biocompatible de substitution dans Endodontie Cliniq – J.-M. LAURICHESSE, J. BREILLAT – 1986
-J.-M. Laurichesse et coll. Editions CdP