Problème : De nombreuses pathologies des muqueuses buccales et du parodonte sont associées à l’infection au VIH. Il est donc primordial que les personnes vivant avec le VIH-SIDA aient accès aux services d’un dentiste. Or au Québec, des témoignages non documentés indiquent que certaines d’entre elles se sont vues refuser des services après avoir divulgué leur état de séropositivité au dentiste.
Objectifs : Cette recherche visait à répondre aux questions de recherche suivantes :
Est-ce que les personnes vivant avec le VIH-SIDA au Québec divulguent leur séropositivité lorsqu’elles consultent un dentiste?
Est-ce qu’au Québec il y a de la discrimination envers les personnes vivant avec le VIH-SIDA lorsqu’elles consultent un dentiste?
Est-ce que les personnes vivant avec le VIH-SIDA au Québec reçoivent et veulent des soins buccodentaires spécialisés?
Méthodologie : Une enquête anonyme à l’aide d’un questionnaire auto-administré a été menée au Québec, de 1993 à 1995, auprès de 463 personnes vivant avec le VIH-SIDA recrutées à partir de plusieurs sources. Parmi les répondants, 50 % avaient des symptômes du SIDA.
Résultats : Plus de 80 % des répondants ont rapporté avoir consulté un dentiste depuis le diagnostic de leur infection au VIH. De ceux-ci, 54 % ont rapporté avoir toujours divulgué leur séropositivité au dentiste, alors que 24 % ont rapporté ne l’avoir jamais divulguée au dentiste. Les raisons que ces derniers donnaient pour ne pas divulguer leur état au dentiste incluaient l’obligation des dentistes d’utiliser les précautions universelles quel que soit le statut de séropositivité du patient, la crainte d’un bris de confidentialité, la peur d’être refusé ou mal jugé par le dentiste. Toutefois, 83 % des répondants préféraient que le dentiste soit au courant de leur séropositivité.
Plus du quart des répondants ayant divulgué leur séropositivité au dentiste se sont vus refuser des soins buccodentaires. Par ailleurs, 2/3 de ceux-ci n’auraient pas été référés à un autre dentiste. Le refus est associé chez les répondants à l’utilisation de drogues injectables et chez les dentistes au sexe féminin et à la pratique privée.
Les répondants ayant consulté un dentiste depuis le diagnostic de leur séropositivité ont reçu principalement des soins buccodentaires de base. En outre, 60 % des répondants ont indiqué qu’ils préféraient recevoir leurs soins dans une clinique dentaire régulière. Ce choix était justifié principalement par le souci de ne pas être discriminés. Ceux qui préféraient aller dans une clinique spécialisée se sont aussi montrés soucieux de la discrimination en plus de vouloir des soins adaptés à leur condition de santé.
Conclusions : Les résultats de l’étude suggèrent qu’au Québec les personnes vivant avec le VIH-SIDA font face à des problèmes d’accessibilité aux services buccodentaires. Des efforts supplémentaires devraient être faits pour faciliter à cette clientèle l’accès sans discrimination des services buccodentaires dans les cliniques régulières. Les personnes vivant avec le VIH-SIDA pourraient ainsi se sentir moins réticentes à divulguer leur état de santé au dentiste et plus confiantes de recevoir des services de qualité adaptés à leur condition de santé.
Anne Charbonneau
Département de médecine sociale et préventive
Faculté de médecine Thèse présentée à la Faculté des études supérieures en vue de l’obtention du grade de Philosophiae Doctor (Ph.D.) en santé publique option promotion de la santé juin, 1998 © Anne Charbonneau, 1998