Les médecins spécialistes appellent au déconventionnement national

De plus en plus sanctionnés pour cause de dépassements d’honoraires, les médecins spécialistes de secteur I regroupés dans les coordinations contre-attaquent. Réunis en assemblée générale à Poitiers, ils lancent un Mouvement de déconventionnement national solidaire.
Les médecins spécialistes des coordinations ont décidé de lancer « avant le 8 juin » un « mouvement de déconventionnement national solidaire » lors de leur assemblée générale de Poitiers.
Selon la Coordination nationale des médecins spécialistes (Cnms) et la Conférence nationale des associations de médecins libéraux (Cnamlib), cette nouvelle offensive, votée « à la quasi-unanimité » par les 80 délégués présents à l’AG représentant « 40 départements », est une réplique à « la vague de sanctions par déconventionnement lancée par les caisses d’assurance-maladie sur tout le territoire » et résulte de « l’incapacité des gouvernements successifs à trouver une issue favorable à la situation catastrophique des spécialistes de secteur I ».
Ce mouvement de déconventionnement vise à obtenir non seulement « la levée des sanctions », mais aussi « un secteur unique librement modulable, avec reprise de négociations équitables ». Autrement dit, les médecins spécialistes coordonnés de secteur I, tout comme la Fédération des médecins de France (FMF), prônent la suppression des secteurs d’exercice inamovibles pour pouvoir pratiquer tantôt des honoraires libres, tantôt des tarifs opposables selon les situations. Le Dr Catherine Gindrey, pédo-psychiatre à Caen et porte-parole, voit dans les déconventionnements solidaires « un geste citoyen, non pas pour embarrasser les patients (qui sont remboursés moins de 1 euro lorsqu’ils consultent un médecin non conventionné, ndlr), mais pour défendre la qualité et l’offre de soins ».

« Compte tenu de l’urgence et de la gravité de la situation », une délégation de ce nouveau mouvement de déconventionnement national solidaire « demande d’ores et déjà une rencontre au Premier ministre et au ministre de la Santé ». Il y a quelques jours, Jean-Pierre Raffarin avait tenu à recueillir les doléances d’une douzaine de spécialistes libéraux de Montargis, dans le Loiret. Néanmoins, le Premier ministre a également écrit au député-maire UMP de cette ville, le Dr Jean-Pierre Door, pour lui rappeler que la convention était la « clé de voûte du système français » et que « les dépassements non conventionnels des tarifs et les initiatives unilatérales de déconventionnement n’étaient pas des solutions » (« le Quotidien » des 4, 5 et 6 mai).
Mais les spécialistes des coordinations ont l’intention de se faire entendre d’une manière ou d’une autre : le Dr Gindrey précise qu’ils organiseront « vraisemblablement un rassemblement devant le ministère de la Santé » autour du 10 juin, date de la transmission du projet gouvernemental de réforme de la Sécu au Conseil d’Etat.

Pas de retour en arrière.
Dans leur communiqué, les responsables du « mouvement de déconventionnement national solidaire » avertissent qu’ils « ne feront pas marche arrière ». Pourtant, il y a un an, le déconventionnement-sanction d’un ophtalmologiste de Loire-Atlantique, le Dr Yann Hamard, avait déclenché un mouvement de solidarité similaire qui avait fini par s’essouffler durant l’été. « L’année dernière, les déconventionnements solidaires n’ont pas suivi au niveau national car certaines coordinations étaient convaincues de pouvoir régler le problème avec leur caisse dans leur département », rétorque le Dr Gindrey. Or « la plupart des accords oraux avec les caisses primaires (par exemple, sur l’acceptation de DE sur 30 % des consultations, ndlr) n’ont pas tenu. Là, le mouvement vient à maturité, il y a un sentiment d’unité et le projet est assez bien ficelé au niveau national », estime-t-elle.
D’ailleurs, les déconventionnements solidaires ont déjà commencé localement. A Saint-Etienne, la trentaine de gynécologues et d’obstétriciens qui avaient annoncé leur sortie du règlement conventionnel minimal (RCM) pour soutenir quatre confrères déconventionnés par la caisse de la Loire (« le Quotidien » du 20 avril) sont finalement parvenus à un « modus vivendi jusqu’au 14 juin » avec l’arbitrage du préfet. En revanche, à Bordeaux, 30 gynécologues-obstétriciens libéraux (dont 27 installés en secteur II) viennent de se déconventionner à leur tour « par solidarité » avec une consњur de secteur I injustement sanctionnée, selon eux. A la caisse de Bordeaux, « ils nous ont proposé (de tolérer) 25 % de DE », précise le Dr Jean-Pierre Laplace, délégué régional Aquitaine du Syngof (Syndicat national des gynécologues et obstétriciens de France), qui revendique « 50 % de dépassements » sur tous les actes des obstétriciens. « On a refusé, car on ne peut pas proposer quelque chose qui est économiquement non viable », poursuit le Dr Laplace.
Y a-t-il encore moyen de renouer les liens entre les caisses et les médecins désabusés qui se tournent de plus en plus vers les coordinations ? En ce qui concerne la Ccam (nouvelle nomenclature en préparation), « les espoirs se sont envolés depuis que l’on sait qu’elle se fera à budget constant », déclare Catherine Gindrey. Quant à la réforme de l’assurance-maladie et du système de santé, le Dr Guy Schucht, président de la Cnamlib, se dit « ouvert à toute proposition » et propose, pour sa part, « de vrais contrats négociés » et même « une diversification de la rémunération des médecins et des contraintes plus fortes pour contrôler la qualité ». « Au lieu de nous taper dessus, on ferait mieux de nous écouter et de discuter », conclut le Dr Schucht.

AGNÈS BOURGUIGNON

Le Quotidien du Médecin du : 12/05/2004