Les professionnels de la santé protestent contre l’ouverture d’une université portugaise à Toulon, qui entend délivrer des diplômes en pharmacie et odontologie.
Avant, les étudiants qui n’avaient pas été retenus dans la filière dentiste ou pharmacie renonçaient ou s’exilaient. Désormais, ils auront la possibilité d’étudier à Toulon dans une université portugaise qui vient de s’installer. Cette dernière suscite l’ire des professionnels et des étudiants, car elle contourne le numerus clausus en proposant sur le territoire français un diplôme de pharmacien.
Treize étudiants ont commencé les cours dans cette filiale de l’Université portugaise de Fernando Pessoa (UFP) depuis le 12 novembre. Mais leur scolarité pourrait être interrompue. Car doyens comme étudiants du cursus français sont sur le pied de guerre et réclament la fermeture de cette antenne qu’ils jugent «pirate».
Un détournement du numerus clausus
Chaque année le numerus clausus précise le nombre de places disponibles aux concours de pharmacie ou de médecine, dont dépendent les dentistes. Ce nombre est «fait pour répondre aux besoins en pharmaciens et le nombre de professionnels est déjà assez élevé», affirme Réda Amrani-Joutey, président de l’Association Nationale des Étudiants en Pharmacie de France (ANEPF).. «Il est inutile de mettre en place un encadrement s’il peut être contourné aussi facilement», insiste le doyen de la faculté de pharmacie Paris-Sud, Dominique Porquet.
L’Université de Fernando Pessoa (UFP) accepte elle ses étudiants sur dossier, sans tenir compte du numerus clausus. «La filière française est trop sélective, accuse Jacques Lachamp le responsable du département pharmacie de l’université portugaise. Nous donnons une seconde chance aux passionnés qui échouent au concours».
Un enseignement à deux vitesses
«Cette université propose presque d’acheter son diplôme», s’insurge Réda Amrani-Joutey, dans les colonnes du Quotidien du pharmacien et d’ajouter qu’il redoute «un enseignement à deux vitesses», un pour les «riches» et un pour les «pauvres».
Pour la Fédération des Associations Générales Etudiantes (FAGE), l’antenne portugaise «va à l’encontre du principe même de démocratisation de l’Enseignement supérieur prônée et défendue par les étudiants (…). Le coût de ces formations s’éleverait jusqu’à 9500 euros par an. Alors qu’en France, pour les mêmes formations publiques, les frais d’inscriptions sont compris entre 181 euros à 500 euros annuels».
Le doyen de la faculté de pharmacie, Dominique Porquet pointe la réputation «exécrable» de l’université au Portugal, tout comme le président de l’ANEPF: «d’après nos homologues portugais les formations sont nivelées par le bas et une grande partie des étudiants quitte la faculté avant la fin de leur cursus». Ce que démentent les responsables de l’UFP.
Le dossier est entre les mains du ministère
À ce jour, les étudiants munis d’un diplôme européen peuvent en principe exercer en France, s’ils parlent français. La reconnaissance mutuelle des diplômes est même inscrite à l’article 47 du traité instituant la Communauté européenne. Mais les services de la Santé et de l’Enseignement supérieur ont tout de même été saisis par le Conseil national de l’Enseignement supérieur et de la recherche (CNESER), «afin de savoir si l’ouverture de l’UFP entre dans le cadre légal», indique Dominique Porquet.
A l’UFP, on estime remplir toutes les conditions. Et «même si l’État français décide de ne pas reconnaître notre diplôme, les employeurs pourraient très bien être intéressés par un diplômé portugais», explique Jacques Lachamp le responsable du département pharmacie de l’UFP. La filière pharmacie ne mène pas uniquement en officine. Une partie des diplômés pourraient travailler dans l’industrie pharmaceutique.
En attendant l’avis des ministères de la Santé et de l’Enseignement supérieur, le représentant des doyens, Dominique Porquet, annonce «une guerre des tranchées» si des diplômes de pharmacie et de dentiste portugais sont remis à Toulon.
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