Nux Vomica, Gelsenium Sempervirens, Arsenicum Album… Autant de noms barbares pour désigner une flopée de petites billes blanches inoffensives. Voire complètement inutiles, si l’on en croit The Lancet, qui a publié le 27 août une étude proclamant « la fin de l’homéopathie » !
L’hebdomadaire britannique relance ainsi un débat que les adeptes de l’allopathie (médecine traditionnelle) ont depuis longtemps enterré, persuadés qu’ils étaient du bien-fondé de leur mode de traitement. Il serait inconcevable, selon eux, que « traiter le mal par le mal » puisse jouer un quelconque rôle dans le traitement d’une maladie. Cette thèse, qui germa dans l’esprit de l’Allemand Christian Friedrich Samuel Hahnemann vers 1830, est la base même de l’homéopathie. Médecin réputé, il fit un jour une découverte qui allait donner naissance au fameux « principe de similitude » : en voulant comprendre pourquoi de petites doses de quinine guérissaient la malaria, il s’en injecta des doses massives. Surprise : après quelques jours, il fut pris de tremblements, palpitations cardiaques et autres charmants symptômes de la maladie tropicale. Il stoppa net la consommation de quinine, et deuxième surprise, ses symptômes disparurent. Eurêka ! « Le similaire est soigné par le similaire », devint alors le credo du professeur allemand.
Un credo qui fut depuis remis en cause des centaines de fois par des scientifiques comme les huit chercheurs de l’Université de Berne, dirigés par Aijing Shang, qui sont à la base de l’étude publiée par The Lancet. Ils ont compilé près de 200 études en comparant les effets des médicaments classiques, homéopathiques et des placebos sur des infections respiratoires, des troubles gastro-intestinaux et des douleurs articulaires. Et le résultat, s’il peut sembler logique pour la communauté scientifique, a de quoi donner une légère migraine aux moins matheux d’entre nous. En effet, il s’est avéré que lorsqu’on teste peu de patients lors de petits essais, les traitements classiques et homéopathiques donnent de bien meilleurs résultats que les placebos. Mais quand les mêmes produits sont testés sur plus de personnes dans de meilleures conditions, rien ne prouve que l’homéopathie soit supérieure au placebo… contrairement aux médicaments classiques. Ce qui fait s’exclamer au Lancet que « pendant trop longtemps, l’homéopathie a bénéficié d’un laisser-faire politiquement correct ».
Les personnes qui s’obstinent donc à faire tomber leurs trois granulés trois fois par jour dans le bouchon doseur de leur petit cylindre ne seraient donc que de grands naïfs ? Mille excuses à ceux qui sont en train de faire fondre les petites billes sous leur langue en ce moment même : il semblerait, selon l’étude du Lancet, que la réponse soit positive ! Le journal scientifique britannique renchérit en affirmant que « plus les preuves de l’efficacité de l’homéopathie se diluent, plus elle semble devenir populaire ». C’est parfaitement exact. Près de 300 millions de patients courent chaque année chez les 150 000 médecins homéopathes pour recevoir leurs doses de boulettes sucrées… majoritairement produites par le laboratoire Boiron, dont l’action en bourse a chuté de 7 % après la parution du fameux article. Une pilule dure à avaler pour le laboratoire lyonnais qui n’a pas dilué ses propos en rétorquant que « les fondements scientifiques de cette publication sont pour le moins douteux et critiquables ». La firme a par ailleurs fait savoir qu’elle allait mettre la dose en multipliant par 8 ses investissements en recherches et études au cours des trois prochaines années.
The Lancet s’en est du coup pris aux médecins qui « n’ont plus qu’à être honnêtes avec leurs patients sur l’absence de bénéfices de l’homéopathie et envers eux-mêmes pour reconnaître que la médecine ne réussit pas à satisfaire les attentes des patients pour une médecine personnalisée ». Et voilà le seul point réellement nouveau de cette étude : plus que de d’établir les effets, réels ou non, de l’homéopathie sur des personnes qui en connaissent les caractéristiques et l’utilisent donc à bon escient, cette étude remet surtout en cause la médecine classique. Si de plus en plus de gens se tournent vers une médecine moins « agressive » que la médecine « habituelle », n’est-ce pas parce que les médecins « normaux » sont accusés de privilégier la technique pure au rapport humain, contrairement aux homéopathes ? Un autre effet, ni placebo ni pharmaceutique, qu’il serait bien intéressant d’étudier…
source Marianne en ligne 31 08 2005