PARIS, 29 avril (APM Santé) – Les femmes enceintes subissant des radiographies dentaires présenteraient un risque accru d’accoucher d’un bébé de petit poids à la naissance, soulignent les résultats d’une étude américaine publiée dans le “Journal of the American Medical Association”.
Différentes études ont déjà souligné le lien entre l’exposition aux radiations ionisantes de la petite fille, de l’adolescente ou de la femme enceinte et une augmentation du risque de donner naissance à un bébé de petit poids (moins de 2,5 kg), rappellent les membres de l’équipe de médecins et de dentistes de l’université de Washington, à Seattle, conduite par le Dr Philippe Hujoel.
Mais ces différentes données concernaient principalement l’exposition à des doses importantes de rayonnements (comme les radiothérapies faisant partie du traitement des cancers de l’enfant) ou à des irradiations portant sur tout l’organisme (radiographie de la colonne vertébrale pour détecter une scoliose, par exemple).
Jusqu’ici la question du lien entre l’exposition de la mère aux rayonnements et le petit poids de naissance de l’enfant est donc restée en suspens, explique le Dr Philippe Hujoel : résulte-t-il de l’atteinte directe des organes reproducteurs par les radiations ou de l’atteinte de la fonction de la thyroïde ?
Cette glande, située dans le cou, libère notamment des hormones indispensables à la croissance et à la maturation du système nerveux, sous l’influence d’autres hormones secrétées par deux structures cérébrales : l’hypothalamus et l’hypophyse. L’échange d’informations nerveuses et hormonales entre toutes ces structures, reliées dans un réseau d’interactions complexes connu sous le nom d’axe hypothalamo-hypophysaire, module notamment la libération d’hormone de croissance ou d’hormones sexuelles féminines.
Or les radiographies dentaires s’accompagnent d’une irradiation ciblée de l’axe hypothalamo-hypophyso-thyroïdien, pour laquelle l’importance de l’exposition peut être évaluée, note le Dr Philippe Hujoel.
C’est pour cette raison qu’il a décidé, avec ses collègues, d’évaluer la dose de rayonnements ionisants -reçue par le biais d’une éventuelle radiographie dentaire au cours de la grossesse- à laquelle avaient été exposées 1.117 femmes ayant donné naissance à un bébé de petit poids (moins de 2,5 kg), dont 336 nés à terme. Dans cette étude, 4.468 femmes ayant donné naissance à un enfant de poids normal ont servi de contrôle.
En analysant les données recueillies, les chercheurs américains ont calculé que quand l’évaluation de la dose absorbée par la thyroïde dépassait 0,4 mGy (le Gray est l’unité mesurant la dose absorbée par les tissus), le risque de petit poids de naissance était plus que doublé, et même plus que triplé pour les enfants de petit poids nés à terme.
Pour une exposition aboutissant à une dose absorbée plus basse (sachant que les auteurs ont évalué à 0,12 mGy la dose absorbée par la thyroïde lors d’une radio panoramique dentaire), les auteurs ont observé une faible tendance, non significative, à l’augmentation du risque de petit poids à la naissance.
Selon eux, ces résultats donnent à penser que l’irradiation à faible dose de l’axe hypothalamo-hypophyso-thyroïdien d’une femme enceinte serait liée à un petit poids de naissance de l’enfant, suggérant donc que “la notion selon laquelle l’exposition d’organes non reproducteurs à de très faibles doses de rayonnements ne présente pas de risque doit être reconsidérée”./mr
(JAMA, 28 avril 2004, vol. 291, n° 16, p. 1.987-1.993)