Le mot d’ordre de la Cnsd a provoqué un tollé

26/01/2005 : Le Quotidien du Médecin – Lancé puis suspendu après une pluie de critiques, un mot d’ordre du premier syndicat dentaire appelait les chirurgiens-dentistes à inscrire les bénéficiaires de la CMU sur des listes d’attente pour les soins non urgents.

C’EST L’HISTOIRE d’un mot d’ordre mort-né. Dans sa revue de janvier, la Confédération nationale des syndicats dentaires (Cnsd) a appelé ses 15 000 adhérents à réserver un accueil particulier à ceux de leurs patients qui sont bénéficiaires de la couverture maladie universelle (CMU) : les inscrire sur des listes d’attente pour les soins prothétiques et orthodontiques ; ne les prendre en charge, dans « un deuxième temps », que pour les soins d’urgence. Pourquoi prôner cette attitude et mettre à mal – c’est le moins que l’on puisse dire – l’égalité d’accès aux soins ? Pour obtenir l’ouverture de négociations sur les tarifs des dentistes, en arguant que les cabinets dentaires installés dans les zones où les patients en CMU sont très nombreux ne sont pas viables, tandis que, à l’inverse, les cabinets implantés dans les zones favorisées prospèrent. La situation, accuse la Cnsd, débouche de fait sur « une chirurgie dentaire à deux vitesses ».

Réactions en chaîne.
Problème : proche du refus de soins, le mot d’ordre arrêté en assemblée générale le 16 décembre par le premier syndicat dentaire instaure ce qu’il dénonce. Les réactions ne se sont pas fait attendre. Dans un communiqué commun, le ministre des Solidarités, Philippe, Douste-Blazy, et le secrétaire d’Etat à la Santé, Xavier Bertrand, ont évoqué une « pratique contraire aux règles déontologiques des professions médicales », portant « atteinte à l’égalité d’accès aux soins pour tous les Français ». Le directeur de l’Union nationale des caisses d’assurance-maladie (Uncam), Frédéric van Roekeghem, a jugé pour sa part regrettable que la Cnsd « prenne en otage les plus démunis pour obtenir sous la pression des décisions que de toute façon nous [l’assurance-maladie, ndlr] ne pourrions pas prendre dans ces conditions ». Les critiques ont plu, y compris dans les rangs des chirurgiens-dentistes : « Refuser de prendre en charge sine die cinq millions de Français est médicalement intolérable », s’est emporté le président de l’Ujcd-Union dentaire (Union des jeunes chirurgiens dentistes), Jacques Deniaud. Ce jugement de forme n’empêche pas l’Ujcd de rejoindre sur le fond la Cnsd : avec la couverture maladie universelle, explique l’Ujcd, « les chirurgiens-dentistes sont coincés entre un panier de soins “rikiki” qui ne leur permet pas de soigner les bénéficiaires de la CMU et une tarification des actes économiquement invivable. C’est la seule profession de santé qui doit appliquer des tarifs spéciaux pour les bénéficiaires de la CMU. La profession dentaire supporte plus que les autres l’effort de solidarité demandé à toute la population ».
Surpris par l’ampleur du tollé, étonné que l’on ait pu douter de la déontologie de ses adhérents – « Personne ne serait passé à l’acte ; entre éthique et économie, aucun chirurgien-dentiste ne choisit » -, le président de la Cnsd, Jean-Claude Michel, a suspendu son appel. Il place désormais ses espoirs dans un rendez-vous que lui a promis pour la semaine prochaine le directeur de l’Uncam : « J’espère, dit-il, qu’à cette occasion nous parlerons du problème des tarifs des chirurgiens-dentistes et en particulier du problème des soins aux plus démunis. »

> K. P.

Le Quotidien du Médecin du : 26/01/2005