Clifford Ruddle débute sa conférence par un rapide historique dans lequel il rattache directement les progrès de l’endodontie aux apports technologiques qu’ont successivement constitué l’introduction du microscope, des ultrasons, du nickel titane et, enfin, du MTA®. Pour lui, nous sommes aujourd’hui arrivés à un palier dans la courbe du progrès en endodontie, palier à partir duquel nous devons chercher à améliorer notre habileté. Revenant au programme de cette matinée, il précise qu’il doit aller à l’essentiel puisque, dans le cadre de son séminaire, le cours sur le retraitement nécessite deux jours et qu’il ne dispose cette fois-ci que d’une séance de trois heures. Alors, que retenir de cette conférence, puisque de la même façon nous ne disposons pas dans ces colonnes d’un espace suffisant pour être exhaustifs ? Dans le cas des instruments cassés, ceux-ci cassent soit parce qu’ils sont trop utilisés soit parce qu’ils sont mal utilisés. Les fragments seront plus longs lorsque l’accès coronaire est inadéquat. Cependant, compte tenu de la hauteur coronaire moyenne et de la longueur moyenne des dents et que les fragments se situeront à 3, 4 ou 5 mm de l’apex, on atteint en général l’instrument cassé en ligne droite avec les forets de Gates. Clifford Ruddle rappelle au passage que, pour éviter les mises en forme erratiques « en bouteille de Vernir, l’essentiel, ce n’est pas l’instrument, mais son utilisateur». Les forets de Gates doivent être utilisés non comme des forets, mais comme des forets-brosses actifs en restant au contact pariétal lors du mouvement de retrait apico-coronaire. Il faut une vitesse de rotation lente, de l’ordre de 500 à 750 tr/min et non de 2 500 tr/min, et il convient de placer le foret de Gates n° 4 juste à l’entrée du canal, puis d’introduire le n° 3 seulement de la hauteur d’une tête et, enfin, d’amener le n° 2, dont le diamètre est de 0,7 mm, au contact de l’instrument cassé. On réalisera ensuite une marche au niveau du trait de fracture à l’aide d’un foret de Gates n° 2 préalablement sectionné à son diamètre maximum.
Le microscope : un contrôle visuel indispensable
Clifford Ruddle rappelle que travailler sous contrôle visuel avec un microscope est indispensable puisqu’on ne peut « sortir un instrument que si on le voit». Pour cela, les ultrasons sont utilisés à sec avec des inserts qui sont soit recouverts de citrate de zirconium soit, moins agressifs, en titane. Einsert est placé sur la marche, à côté de l’instrument et non sur l’instrument. On commence en faisant fonctionner les ultrasons au minimum de puissance pour augmenter celle-ci progressivement. Les poussières sont évacuées à l’aide de la seringue à air sur laquelle est monté un embout très fin, l’adaptateur Strop-ko®. En ajoutant deux ou trois gouttes d’eau dans le canal avant d’utiliser les inserts ultrasonores, on préviendra le risque, inhérent à cette méthode, de cimenter l’instrument avec les poussières arrachées à sec ou avec la boue qui se forme sous aspersion d’eau. Il convient de placer des boulettes de coton aux entrées des autres canaux afin d’éviter que l’instrument n’y pénètre s’il venait à être évacué rapidement par les ultrasons. Le but est alors de dégager 3 mm d’instrument pour le saisir soit avec l’un des instruments plus fins (0,6 mm et 0,85 mm) ajoutés dans les trousses modernes d’extracteurs de tenons (celle de Ruddle au États-Unis et de Machtou en Europe), soit avec l’Instrument Remo-val System de Ruddle (1RS®), inspiré de la trousse de Masseran. Les instruments en nickel titane ont tendance à retrouver leur forme initiale : il existera donc toujours une force élastique qui plaquera l’extrémité dégagée de l’instrument fracturé au contact de la paroi externe. Il faudra donc placer l’extrémité en biseau la plus longue de l’IRS® systématiquement vers l’extérieur pour ensuite tourner l’instrument de 180° avant d’en serrer la vis. Enfin, les instruments en acier inoxydable ne se recassent pas, contrairement aux instruments en nickel titane qui présentent cette tendance.
Les surextensions de gutta-percha peuvent aussi imposer le retraitement. Ces surextensions surviennent sur les canaux larges des dents immatures ou en cas de résection apicale car, avec des apex qui peuvent recevoir trois limes K de 0,60 mm de diamètre, il est impossible d’obtenir la mise en forme conique nécessaire pour contenir les forces développées lors de la condensation verticale. Dans ces cas, Clifford Ruddle préconise d’utiliser du sulfate de calcium (plâtre de Paris), à la fois pour obtenir l’hémostase et créer une barrière qui s’opposera à la poussée de la condensation verticale, mais en aucun cas pour obturer le canal. La détermination de la longueur de travail est difficile et « le juge de paix est la pointe de papier ». Clifford Ruddle mélange le sulfate de calcium à de l’eau chaude pour avoir une prise rapide, puis le bourre dans le canal en utilisant un fouloir dont l’extrémité a été sectionnée à la largeur de l’apex pour refouler le sulfate de calcium au-delà de l’apex. Une fois le mélange durci, Clifford Ruddle procède au nettoyage du canal à l’aide des ultrasons, puis de brossettes rotatives d’endodontie pour supprimer les boues dentinaires. Ensuite, l’obturation est réalisée de façon classique dans la même séance. Le MTA® n’est pas utilisé car la taille de ses particules n’est pas assez fine pour qu’il pénètre suffisamment loin dans l’anatomie radiculaire. Par ailleurs, on préférera le sulfate de calcium au MTA® dans les zones esthétiques, car il ne contre-indique pas la dentisterie adhésive.
Traitement des déplacements iatrogènes
Clifford Ruddle aborde ensuite le traitement des « transportations », c’est-à-dire tous ces déplacements iatrogènes de l’orifice apical exécutés lors d’une mise en forme inadéquate. Ces déplacements sont classés en trois types. Le type 1 correspond à un petit déplacement. Après une mise en forme conventionnelle, il pourra en général être réobturé soit avec les techniques classiques, soit en utilisant du MTA® ou du sulfate de calcium. Le déplacement de type 2 est plus important, l’architecture apicale est inversée, et il n’est plus possible de procéder à une mise en forme conventionnelle. Dans ce cas, créer une barrière avec du MTA® s’impose. Le MTA® prend en quatre à six heures, ce qui nécessite une deuxième séance de soins au cours de laquelle l’obturation à la gutta sera effectuée. Il faut prévoir plus de 3 mm de MTA® à l’apex de sorte que, si une chirurgie apicale doit être effectuée ultérieurement, l’apicectomie simple suffise sans obturation rétrograde. Les déplacements de type 3 sont des cas chirurgicaux dans lesquels le MTA® servira de barrière et d’obturation.
Quand il s’agit de désobturer de la gutta-percha ou tout autre matériau d’obturation, nous disposons de cinq moyens qui seront successivement utilisés : les limes de Heds-troem, les Heat Carrier®, les ProTaper®, le chloroforme et les pointes de papier. Dans ces manњuvres, il faut respecter le principe du crown down afin d’éviter les flambées inflammatoires en rapport avec une inoculation de gutta-percha au-delà de l’apex. On nettoie le tiers coronaire puis les 3 ou 4 millimètres suivants pour obtenir un effet de reflux au rinçage. Il convient de réchauffer la gutta au Touch and Heat® et de placer aussitôt une lime H 45 qu’on tourne dans la gutta avant de tirer. Les Pro Taper® Dl ou D2 choisis en fonction de la taille de l’orifice canalaire sont également efficaces. Ils doivent être utilisés à une vitesse de 700 à 750 tr/min pour voir le cône de gutta s’enrouler autour de l’instrument. Pour
les canaux étroits, on utilisera les limes et les produits chimiques. L’alternance de chloroforme et de pointes de papiers absorbants permet de supprimer les reliquats de ciment de scellement canalaire.
Retrait des bourre-pâte
Un peu pris par le temps, mais en appliquant toujours les mêmes principes, Clifford Ruddle a abordé le retrait des bourre-pâte pour lequel sont utilisés tous les matériels précédemment cités : ultrasons, Heat Carrier®, chloroforme, limes, Pro Taper®, 1RS®, auxquels il ajoute les pinces de Stieglitz dont il modifie les mors en réduisant leur largeur aux dépens de leurs bords externes afin qu’ils descendent plus apicalement dans le canal. La séance s’est achevée par de chaleureuses congratulations auxquelles s’est associée la présidente scientifique du congrès 2008, Anne Claisse-Crinquette, venue honorer cette splendide séance de sa discrète présence.
extrait de l’article de Marc Roche