Le 13 octobre, Jean-Pierre Raffarin a jeté un pavé dans la mare en évoquant à demi-mots un remodelage du partage public-privé. Il a distingué les «besoins essentiels» couverts par l’assurance-maladie des «besoins qui sont peut-être moins prioritaires». Il faut «trouver le juste équilibre entre ce qui doit relever du pacte républicain, de la solidarité nationale, mais aussi de la responsabilité individuelle», a-t-il estimé.
Et de s’interroger: «faut-il couvrir dans les mêmes conditions une fracture du bras causée par une chute dans la rue ou par un accident de ski?»
Le constat est sans appel: la «Sécu» rembourse en moyenne 75% des dépenses de santé. Or, dans un contexte de vieillissement, le nombre de personnes bénéficiant d’une prise en charge intégrale est de plus en plus important. On compte 5,7 millions de personnes en affection de longue durée (ALD: maladies cardio-vasculaires, diabète, tumeurs malignes), qui bénéficient d’une prise en charge à 100%. En parallèle, on constate que l’assurance-maladie se désengage de plus en plus de la couverture des soins dentaires, optiques ou auditifs, majoritairement remboursés par les complémentaires.
Aussi certains suggèrent-ils de laisser la «Sécu» se concentrer sur le gros risque, les soins les plus utiles et les plus coûteux. En conséquence, elle se déchargerait totalement du remboursement de certaines prestations dites du «petit risque», qui deviendraient le domaine réservé du secteur privé. Une perspective qui aiguise l’appétit des assureurs, qui rêvent de mettre la main sur le dentaire, l’optique, l’auditif et, à terme, la traumatologie et la rééducation.
D’autres pistes contestées ont également été avancées. Le rapport Chadelat remis au ministre de la Santé Jean-François Mattei préconise ainsi la création d’une «couverture maladie généralisée». La CMG prendrait en charge certains soins prédéfinis, le reste étant à la charge des ménages. Elle mêlerait une couverture obligatoire et une complémentaire de base, facultative, dont l’achat serait encouragé par une aide. Une proposition qui n’est pas sans rappeler la promesse de Jacques Chirac d’accorder un coup de pouce fiscal aux plus modestes pour l’acquisition d’une complémentaire.
Une autre solution, esquissée par le Medef ou le libéral Alain Madelin, consisterait à introduire une dose de concurrence. L’Etat se contenterait de définir les grandes priorités et les opérateurs (caisses de «Sécu», assurances et mutuelles) géreraient les services en concurrence. Ils négocieraient prestations et tarifs directement avec les professionnels de santé (hôpitaux, médecins, spécialistes).
Hostile au transfert de prestations au privé ou à la mise en concurrence, la Mutualité française réclame à l’inverse que les mutuelles soient davantage associées à la gestion de la «Sécu», dans un «partenariat équilibré». Celles-ci sont en effet cantonnées actuellement au rôle de «payeur aveugle» et n’ont pas voix au chapitre.
A chacun selon ses moyens? Ces perspectives inquiètent également la gauche, qui redoute une «privatisation partielle» de la santé et une Sécurité sociale «à deux vitesses». Le risque, selon elle? Que les assurés les moins fortunés, les plus âgés et les plus fragiles soient laissés au bord du chemin par des assurances érigeant la rentabilité en dogme… AP – Nouvel Observateur