« Un secteur important de santé publique en France présente des remboursements scandaleusement bas, des actes mal rémunérés et des soins non pris en charge, dont l’absence de réalisation peut entraîner des troubles graves pour la santé voire pour la vie des patients », indique l’argumentaire développé par l’union des jeunes chirurgiens dentistes.
Ce qui l’a fait réagir ? Un rapport de la « mission odontologie » remis à Jean-François Mattei à la mi-novembre. Il préconise le déremboursement des prothèses dentaires qui seraient à la charge des seules mutuelles et des assurances, autrement dit des patients.
« La même galère »
« Dans cette affaire, explique Pierre Schmidt, chirurgien-dentiste à Calais, la profession et les patients se retrouvent dans la même galère : les uns sont mal rémunérés et les autres mal remboursés. Si les médecins avaient subi une évolution identique à la nôtre, leur consultation se trouverait aujourd’hui à 10 € au lieu de 20. Il faudrait quasiment doubler nos tarifs pour revenir aux niveaux pratiqués il y a vingt ans ! »
Voilà plusieurs années que l’UJCD (environ 20 % de la profession) mène le combat pour qu’une réforme intervienne : « Pas question de faire pleurer sur notre sort ou nos revenus, c’est d’abord un problème d’accès aux soins dentaires », explique Pierre Schmidt.
43 % des renoncements à des soins relèvent du domaine dentaire. Evidemment, le côté financier pèse dans la balance.
En moyenne, la « Sécu » rembourse un tiers de la facture dentaire contre 70 % pour les autres domaines de santé. « Tout le problème vient d’un chassé-croisé : la mauvaise rémunération des soins s’est accompagnée d’une certaine forme de liberté sur les prothèses dentaires. C’est le secteur qui nous permet de faire vivre nos cabinets et d’aménager des plateaux techniques, et c’est celui sur lequel les patients sont le moins remboursés… »
Choqués
Les projets de réforme qui se profilent (faire évoluer tout ou partie du secteur dentaire pour le faire passer au secteur assurantiel) choquent les chirurgiens de l’UJCD. Des praticiens du Nord se joignent actuellement au mouvement
d’interpellation des patients.
« Parler de déremboursement à propos des soins dentaires nous choque : cela nous fait penser à ces médicaments dont le service rendu est jugé insuffisant. Sait-on que de graves problèmes de déchaussement entraînent 8 fois plus d’accouchements prématurés et trois fois plus de maladies cardio-vasculaires ? », interroge Pierre Schmidt.
Conscients que la « Sécu » ne peut s’en sortir seule, les responsables de l’UJCD se montrent néanmoins sceptiques à l’égard d’un glissement des garanties vers les assurances : « Elles ont déjà la liberté de couvrir des actes que la “Sécu” ne rembourse pas et ne font pas mieux. Nous sommes contre une étatisation façon Aubry et contre une privatisation à la mode Mattei. La solution se trouve entre les deux. L’usager doit pouvoir avoir un panier de soins essentiels géré par la Sécurité sociale. Nous pourrions nous engager au respect de certains tarifs. Et puis, il pourrait y avoir un deuxième pôle où les assurances complémentaires s’impliqueraient davantage et un troisième où la liberté serait totale. Mais tout cela doit passer par un dialogue. »
J.-P. BONDUEL
Source : La Voix du Nord Mercredi 18 février 2004