Si 70% des personnes âgées observées fréquentent régulièrement les cabinets dentaires, 61% nécessitent des soins bucco-dentaires, 20% des soins prothétiques et 6% ne peuvent accéder aux soins pour des raisons financières.
Dans 51% des cas, les personnes âgées pourraient avoir de meilleures réalisations prothétiques, 70% des chirurgiens dentistes font entrer dans leur décision prothétique les moyens financiers du patient.
Est-il inconcevable, disait le Président Ducamin, que chaque jour, le chirurgien dentiste, dans l’exercice de ses fonctions, soit confronté à des problèmes de conscience insurmontables ?
En l’an 2000 la population française comprendra plus de vingt millions de personnes âgées.
De par leur âge les personnes âgées présentent des problèmes bucco-dentaires spécifiques qui constituent l’objet de la gérodontologie.
A cause de la sénescence, celles-ci sont assujetties à devoir porter des restaurations prothétiques dentaires.
La baisse du niveau de vie, les problèmes inhérents aux retraités peuvent empêcher les personnes âgées d’accéder à ces soins.
Or il existe différentes possibilités de réhabilitation prothétique selon qu’elles sont assujettties au taux de remboursement des caisses d’assurances maladies.
Face à cet état de fait quelle est l’attitude du thérapeute ?
Peut-on alors envisager un comportement éthique de société et de l’odontologiste face à des personnes âgées nécessitant des soins bucco-dentaires et prothétiques ?
C’est cette problématique qui est à l’origine de notre recherche.
INTRODUCTION
A notre connaissance, il n’existe pas de projet propre à l’éthique dans le cadre des soins dentaires et prothétiques chez la personne âgée (gérodontologie).
Nous devons être à même, à plus ou moins long terme, de pouvoir dégager une étude propre au coût de la gérodontologie et par voie de conséquence, en déterminer le comportement du thérapeute et son incidence dans le cadre d’une politique de santé.
Ceci corrobore le rapport de Philippe LUCAS présenté aux journées d’éthique 1989 : “… non pas former des spécialistes de l’éthique, mais contribuer à former des professionnels avertis des problèmes éthiques qu’ils auront à assumer”.
Comme vient de le montrer un récent rapport de la Caisse Nationale d’Assurance Maladie les dépassements d’honoraires en matière de chirurgie dentaire sont importants. Le remboursement pour un appareil complet haut et bas est de 1797,75 F alors que son coût moyen est de 10/12 000 F. Confrontée aux revenus de la personne âgée, la société lui interdit-elle un accès à des soins décents, peut-on alors parler d’une éthique de société ?
Mais est-il logique d’imposer à un individu le port d’un élément prothétique dentaire tout en connaissant les différentes possibilités thérapeutiques ; où finit la réhabilitation fonctionnelle, où commence le luxe ?
Le patient qui doit avoir des soins prothétiques peut les refuser pour des raisons financières, pour des motifs personnels développant en cela les rapports du corps à l’argent.
Face à cette situation existe-t-il un comportement éthique du chirurgien dentiste ? Peut-on admettre que le praticien laisse le choix prothétique à son patient, qu’il refuse d’exécuter certains types de prothèses ?
Ce sont ces différents constats et réflexions qui ont été à l’origine de notre recherche visant à apporter des réponses aux questions préalablement posées.
La première approche de notre étude a été la réalisation d’une enquête questionnaire qui a été conduite auprès de 112 personnes âgées. Cette analyse est l’ossature principale de notre mémoire qui comprend onze idées principales.
Dans une société où l’individualisme est érigé en vertu, où l’on exalte d’une manière démesurée l’argent, on n’a jamais autant parlé de morale et d’éthique. L’esprit se perd entre les mots : morale, éthique, déontologie, cadre juridique. Cette anayse des mots fait l’objet de notre première réflexion.
Afin de mieux appréhender les soins dentaires et prothétiques chez la personne âgée nous analysons succintement une étude schématique du vieillissement.
15% de la population a plus de 65 ans ce qui a conduit les différents Etats à s’interroger sur les problèmes inhérents aux personnes âgées. Les travaux de la Direction des Affaires Sociales et Economiques des Etats membres du Conseil de l’Europe méritent une attention particulière.
Le rapport du corps à l’argent permet d’avoir un minimum de base de réflexions afin de pouvoir évoquer le fait qu’un patient peut refuser des soins pour des raisons financières ou personnelles.
Lorsque le patient franchit le seuil de notre cabinet, avant même qu’il ait eu un contact avec le praticien, il véhicule consciemment ou non un ensemble d’idées et de sentiments, tout un vécu qui lui est personnel, des motivations parfois en contradiction, l’influence du taux de remboursement des organismes sociaux, autant d’éléments que l’on ne doit pas ignorer si l’on ne veut pas qu’ils risquent de comprometre le succès du traitement.
En échange ou contrepartie des soins et traitements apportés par le chirurgien dentiste, le patient verse une rétribution, des honoraires. Il s’agit là d’une obligation qui n’est pas sans soulever de nombreux problèmes tant au regard du droit de la sécurité sociale, que dans les rapports directs du praticien et de son patient.
La décision thérapeutique et la stratégie de traitement sont décidées normalement en ayant à l’esprit de privilégier les solutions simples et courtes dans leur mise en oeuvre, en raison d’une déficience à l’adaptation de la personne âgée et d’une moins grande souplesse.
La partie la plus importante du mémoire est consacrée à l’enquête, son élaboration, le choix des questions, leur rédaction, la collecte des données et enfin les résultats obtenus transcrits en graphiques. Elle est complètée par l’ analyse et la critique des résultats obtenus en débouchant sur la discussion éthique qu’ils soulèvent et qui sont le fondement du début de notre recherche.
Prospective et conclusion développent les idées conductrices pour la suite de notre travail qui commence par la réalisation d’une nouvelle fiche d’enquête permettant de mieux sérier les aspects éthiques propres aux soins dentaires et prothétiques chez la personne âgée.
METHODOLOGIE
Dans le cadre de notre travail, cette étude a pour but essentiel de réaliser une pré-enquête afin de pouvoir élaborer au vue des résultats et analyses une recherche plus affinée sur notre problématique de départ : la société et les praticiens ont-ils ou doivent-ils avoir un comportement éthique spécifique dans l’exercice des soins bucco-dentaires et prothétiques chez la personne âgée ?
Population
Les hommes et femmes de plus de 60 ans habitant sur le territoire français métropolitain.
Cette population est très parsemée au niveau de sa résidence : habitation privée, chez des enfants, en maison de retraite, en hospice…
Pour notre étude nous ne nous sommes penchés que sur 150 personnes âgées rencontrées dans les différents centres d’examen : cabinet libéral, faculté dentaire, centre de soins ; ce qui va constituer sans doute un biais. En effet, nous n’avons pas pris en considération les personnes nécessitant ou ayant eu des soins bucco-dentaires et prothétiques qui ne se déplacent pas ou plus au cabinet dentaire.
Nombre et répartition des sujets
Le nombre a été fixé à 150 afin d’avoir un minimum de cent fiches en tenant compte des non retours et des non exploitables.
La répartition géographique a été faite en essayant de s’approcher le plus harmonieusement possible de la répartition de la population française ; mais ce choix a été assujetti à l’acceptation de l’enquêteur présumé de la région retenue.
Les enquêtes ont été ventilées entre les différents centres d’examen, aucune étude n’ayant été réalisée sur leur pourcentage de fréquentation par les personnes âgées, la distribution que nous avons faite est empirique et par voie de conséquence risque de constituer un biais.
Notre population se répartit donc comme suit :
Cabinet libéral Paris 15
Nancy 10
Val d’Ajol (88340) 10
Mutuelle ou autre centre de soins Nice 10
Toulouse 10
Faculté dentaire Paris 15
Marseille 15
Centre de soins hospitaliers Paris V 15
Paris VII 15
Centre d’examen de santé Paris 10
Caisse de la Mutualité agricole Rennes, Lyon
Bordeaux, Lille 25
Il n’y a pas de choix spécifique des sujets ; ceux-ci ont été retenus en fonction de leur passage dans le centre d’examen et de leur accord à la participation de l’enquête.
Réalisation de la fiche d’enquête-questionnaire (jointe en annexe)
Consécutivement à la revue de la littérature et à la suite des chapîtres que nous venons préalablement de développer et afin d’avoir une approche de la problématique du sujet de notre recherche nous avons rédigé une fiche d’enquête-questionnaire.
Après un certain nombre d’entrevues, il a été décidé d’un commun accord avec notre Directeur de mémoire de réaliser d’une part des observations, d’autre part d’obtenir un certain nombre de renseignements d’où l’appellation mixte fiche enquête-questionnaire.
Suite à des critiques et après un test auprès de 5 personnes effectué dans le cadre de notre Centre de soins nous avons affiné la rédaction de notre fiche. Ce test nous a permis de constater que le temps nécessaire pour remplir la fiche d’enquête est de l’ordre de 30 minutes.
Nous avons réparti cette fiche en sept chapîtres :
1 – Données informatiques
2 – Conditions de vie
3 – Examen bucco-dentaire
4 – Etat de santé général
5 – Alimentation
6 – La décision prothétique
7 – Les choix financiers
à l’intérieur desquels figurent les différentes variables que nous allons maintenant analyser question par question.
Enquêteur
Le temps moyen nécessaire pour remplir la fiche d’enquête étant de 30 à 40 minutes, c’est donc entre des amis personnels chirurgiens dentistes que nous avons distribué la collecte des données ; ce qui d’ailleurs peut introduire un biais cependant, il peut être honnêtement analysé comme négligeable.
Les enquêteurs sont des chirurgiens dentistes libéraux, hospitalo-universitaires, dentistes conseils.
Ils sont répartis de la façon suivante :
– Hospitalo universitaire 4, Nice,Paris VII, Toulouse,Marseille
– Chirurgien dentiste libéral
exerçant en cabinet privé 3, Paris, Nancy, Val d’Ajol
– Chirurgien dentiste exerçant
en centre de soins 4, Paris V, Paris VII, Nice, Toulouse
– Chirurgien dentiste conseil 5, Rennes, Lyon, Bordeaux, Lille.
Le type d’observations et de questions posées n’a pas nécessité une standardisation particulière des enquêteurs ; seul le cadre dans lequel est effectué l’enquête leur a été exposé. Afin de ne pas influer sur les réponses et pour éviter d’introduire un biais nous ne leur avons pas donné la problématique de l’enquête.
La collecte des données
Nous avons essayé d’obtenir une large répartition des lieux d’observation tant au niveau géographique qu’au niveau des centres d’examen.
Le chirurgien-dentiste enquêteur fait personnellement l’examen, pose les questions à la personne âgée et remplit les cases nécessaires.
Il n’y a pas eu de choix spécifique des sujets, ils ont été pris en fonction de leur passage dans le centre d’examen et de leur accord à la participation de l’enquête.
Toutes les fiches d’enquêtes ont été réalisées en ayant la personne âgée assise sur un siège dentaire.
La collecte des données a été effectuée entre le 1er Mai et le 30 Juin 1992. Seul un centre (Marseille) n’a pas renvoyé les fiches d’enquêtes.
La saisie des données
La collation des données a été faite manuellement ; le matériel informatique que nous avons pu utiliser à cette date de l’année est un Macintosh SE avec logiciel “Visual Busness” et imprimante laser. Un matériel plus sophistiqué pour obtenir des analyses croisées plurifactorielles sera utilisé pour la suite de notre travail au Centre Informatique de la Faculté de Chirurgie Dentaire de Toulouse.
COMMENTAIRES, ANALYSE ET PERSPECTIVE DES PRINCIPAUX RESULTATS
Pour une meilleure compréhension et afin d’éviter de fastidieuses répétitions nous avons gardé comme plan, celui de l’enquête. Les points spécifiques à analyse sont notés avec 0 et les analyses croisées sont signalées par P.
Population
Population de départ :N = 150 Population observée: N = 112
Le nombre de fiches exploitables est de 112. La perte de 38 par rapport à la population de départ se répartit comme suit :
– 15 non revenues du centre Marseille, motif inconnu,
– 10 non revenues du centre d’examen de santé parce que pendant la période de l’enquête, du 1er Mai au 30 Juin 1992, aucune personne âgée ne s’est présentée,
– 13 (soit 8,6% de notre population) ont été déclarées inexploitables car elles n’étaient pas correctement remplies ou présentaient des réponses anachroniques.
Examen bucco-dentaire
29 – Visite chez le dentiste : N = 111
1 – Jamais 2/2% – 2 – urgence 31/28% –
3 – tous les 3 ou 4 ans32/29% 4 – tous les ans 30/27% –
5 – plus d’une fois/an 16/14%
Une seule fiche n’a pas de réponse, ce qui peut s’expliquer comme étant une négligence de l’enquêteur.
0 70% de notre population de personnes âgées se rend régulièrement chez le chirurgien dentiste ; il faut avoir, ici encore plus précisément, à l’esprit le fait que notre population a été enquêtée sur les lieux de centre de soins bucco dentaires, c’est pourquoi la réponse des 2% qui disent ne jamais faire de visite chez le dentiste apparaît comme anachronique. Il serait nécessaire pour les 14% qui répondent aller plus d’une fois par an chez le chirurgien dentiste d’en connaître la motivation (période de soins, prothèse qui n’estpas satisfaisante) car peut-être alors n’iraient-ils plus du tout !
Etat prothètique
32 – Le patient est-il porteur d’une prothèse amovible ? : N = 112
1 – Oui 76/67% – 2 – Non 36/33% –
3 – partielle 59/- 4 – complète 28/
33 – La porte-t-il ?: N = 76
1 – Jamais 5/7% – 2 – Uniquement pour manger 3/4% –
3 – Pour sortir 6/8% – 4 – En permanence 62/ 81% –
34 – Pour quelles raisons ? N = 14
1 – Gène 4/28% – 2 – Douleur 5/36% – 3 – Ne lui plait pas 1/8% – 4 – Autre 4/28%
Lorsque la réponse à la question : le patient est-il porteur d’une prothèse amovible ? est non, nous ne savons pas si la raison est parce qu’il n’en a pas besoin ou parce qu’il ne l’a pas fait réaliser ; en conséquence cette question sera croisée avec la 31 : besoins en soins dont les codes DPA (dent à remplacer par une prothèse adjointe) et DPC (dent à reconstituer par une prothèse conjointe) nous donneront le renseignement.
Le nombre de prothèses partielles et complètes est supérieur au
nombre de patients porteurs de prothèse. Ceci s’explique par le fait que certaines personnes âgées ont, par exemple, une prothèse partielle à la mandibule et une prothèse complète au maxillaire. Chacune ont alors été comptées par l’enquêteur, ce qui rend inexploitable le type de prothèse porté. Pour être plus complet et précis, dans notre prochaine enquête il nous faudra spécifier maxillaire et mandibulaire.
0 L’étude des résultats nous montre qu’il faudra complèter dans notre prochain travail l’analyse de l’état prothétique. En effet, il sera intérèssant de pouvoir déterminer depuis combien de temps la prothèse est en bouche, si elle a été rebasée (réadaptée), si elle est à refaire.
P 67% de notre population est porteur d’une prothèse amovible ; dans son enquête L. SIMARD et Coll. (1986) montrent que 78% des personnes du Québec âgées de 65 ans et plus portent une prothèse amovible. Si nous gardons le même groupe d’âge, nous trouvons 76% ce qui est comparable.
0 Sur les 67% de personnes âgées porteurs de prothèse amovible, seuls 18% ne les portent pas en permanence. Le nombre de sujets dans les sous-groupes est trop faible pour faire une analyse croisée avec les différentes motivations des non ports.
Nous avons rapproché le groupe des 14 “porteurs épisodiques de prothèse” de la qualité de la décision prothétique faite par le praticien : dans 53% la solution est satisfaisante, contre 47 % un compromis, 14% ne s’étant pas prononcés. On ne peut donc pas péremptoirement prétendre que la solution retenue par le praticien soit à l’origine du non port de la prothèse, mais on peut l’évoquer.
Sur les 36 personnes non porteurs de prothèse amovible, 22 en présentent le besoin, soit 61% qui se répartissent pour 50% d’hommes 50% de femmes. En croisant ce besoin avec la question 65 “Pourquoi les soins ne sont-ils pas faits” nous obtenons : négligence 59%, peur 2%, financier 39%.
Sur les 112 personnes âgées, 20% (n = 22) ont des besoins de restaurations prothétiques et 6% (n = 7), dont 86% de femmes, ne font pas de soins prothétiques pour des raisons financières.
Les effectifs des sous-groupes devenant trop petits il n’est pas possible de faire d’autres analyses croisées.
La décision prothétique
du Chirurgien-Dentiste
60 – En fonction de ses propres connaissances : N = 90 –
1- Oui 84/93% – 2- Non 6/7% –
61 – En fonction du laboratoire de prothèse : N = 70 –
1- Oui 3/4% – 2- Non 67/96%
62 – En fonction des moyens financiers du patient :N = 86 –
1- Oui 60/70% – 2- Non 26/30% –
63 – Fait plusieurs propositions au patient et lui laisse le choix : N = 97
1- Oui 67/69% – 2- Non 30/31% –
64 – En général la décision adoptée est-elle : N = 55
1- satisfaisante 27/49% – 2- insatisfaisante 1/2% –
3- un compromis 27/49% –
La disparité entre le nombre de réponses obtenues s’explique par les points suivants :
– l’enquêteur n’a pas voulu répondre
– le sujet enquêté n’était pas le patient du chirurgien-dentiste enquêteur
– le chirurgien dentiste enquêteur était chirurgien dentiste conseil donc non concerné par la décision prothétique.
Si l’on considère que 15 fiches ont été remplies par un enquêteur chirurgien dentiste conseil, N= 112 – 15 = 97, nous donne 100% des réponses nous permettant ainsi de déterminer les non réponses qu’il sera intéressant d’analyser.
Chirurgiens-dentistes ne répondant pas aux questions :
– en fonction de ses propres connaissances : 7%
– en fonction du laboratoire de prothèse : 28%
– en fonction des moyens financiers du patient : 11%
– fait plusieurs propositions au patient et lui laisse le choix : 0%
– en général la décision adoptée satsifaisante, insatisfaisante, un compromis: 43%.
0 En considérant que tous les praticiens (100%) ont répondu à la question 63, qui se trouve au milieu d’autres, on peut s’interroger sur les motivations des non réponses.
P 7% des chirurgiens dentistes ne décident pas leur plan de traitement et la thérapeutique qui en découle en fonction de leurs propres connaissances. On ne peut pas qualifier ce comportement comme étant éthique sauf à savoir, nous l’espérons, que ces praticiens prennent des renseignements auprès d’autres confrères ou tout simplement adressent le patient à un chirurgien dentiste plus compétent en la matière.
4% des chirurgiens dentiste ont une décision prothétique qui est faite en fonction du laboratoire de prothèse. Doit-on en conclure que toutes des prestations fournies par tous les laboratoires sont suffisament excellentes pour que le choix n’y soit pas inhérent ? Cette absence de précision quant à la qualité du laboratoire de prothèse nous fait espérer que les 4% de praticiens ne se contentent pas d’envoyer des empreintes au technicien le laissant alors décisionnaire ; une telle attitude est la porte ouverte aux “appareilleurs libres et aux denturologues”.
P 30% des chirurgiens dentistes ne prennent pas en compte la situation financière de leur patient estimant en cela que la qualité des soins exclue tout compromis. Mais si 70% des praticiens font entrer dans leur décision prothétique les moyens financiers du patient nous sommes confrontés à une médecine de riches et à une médecine de pauvres ; et si nous nous reportons alors à la qualité de la décision prise, nous nous apercevons qu’elle n’est pas à 51% satisfaisante. De surcroît, 11% n’ont pas répondu à cette question ce qui peut être analysé comme une sorte de gêne à prendre en considération l’état de fortune de son patient.
31% des praticiens ne laissent pas de choix à leur patient ce qui corrobore les 30% qui ne décident pas en fonction des moyens financiers.
Seuls 49% des chirurgiens dentistes considèrent que la décision prothétique qu’ils ont adoptée est satisfaisante. Ce qui revient à dire que dans 51% des cas les patients pourraient avoir de meilleures prothèses et que leur praticien en est conscient.
P Il est intéressant de rapprocher nos résultats de ceux obtenus par L. SIMARD (1986) sur une population de 1822 personnes du Québec âgées de 65 ans et plus qui montrent que 46% des prothèses ont été jugées adéquates par des examinateurs.
0 Quant au comportement éthique de celui qui considère que la décision adoptée est insatisfaisante, nous pensons qu’il doit être sanctionné sur le fondement du code de déontologie.
du Patient
65 – Pourquoi les soins ne sont-ils pas faits ? N = 69
1- Négligence 38/55% – 2- Peur 7/10%
3- Déplacement 4/6% – 4- Financier 20/ 29%
66 – La décision prothétique est faite : N = 151
1- suivant l’avis du chirurgien-dentiste : 94/
2- dépend des moyens financiers : 57/
3- refus de la prothèse, car ne sera jamais portée :0/
Il faut remarquer que dans notre population nous avons dénombré 36 personnes qui ne portaient pas de prothèse soit parce qu’elles n’en avaient pas besoin, soit parce qu’elles ne l’avaient pas fait réaliser. La question 65 englobe les soins dentaires et prothétiques ce qui explique le nombre de réponses 69 ; elle sera dans l’analyse croisée avec la question 31 : besoins en soins.
La décision prothétique regroupe 151 réponses du fait d’une double réponse de la part des personnes âgées.
0 P. 62 % de notre population nécessitent des soins bucco dentaires dont 31 % des réhabilitations prothétiques soit 20% des 112 personnes observées. 10% éprouvent toujours la crainte du dentiste. 55 % des personnes âgées sont négligentes par rapport à l’état de leurs dents, mais 29% ne peuvent réaliser leurs soins bucco dentaires et 6% leurs réhabilitations prothétiques pour des raisons financières.
Les choix financiers : N = 109
67 – Tranche de revenu mensuel :
1- inf. à 2000.- Frs 8/7% – 2- de 2 à 4000.- Frs 25/23%
3- de 4 à 8000.- Frs 51/47% – 4- sup. à 8000.- Frs 25/23%
0 P.Nous avons fait manuellement une analyse croisée entre les différentes catégories de revenus, la nécessité de besoins en soins et pourquoi ceux-ci n’étaient pas faits.
Plus nous sommes dans les hautes tranches de revenus plus les besoins en soins diminuent ; ce qui va dans le sens de ce qu’écrit M.A. DESCAMPS (1986) : “…On a bien la bouche de sa classe sociale. L’état prothétique d’une denture est même un meilleur indicateur socio-économique que la voiture”.
H.A. KIYAK (1991) montre qu’aux USA, les personnes âgées sont, statistiquement, plus pauvres que les autres catégories de la société et disposent de moins de revenus pour les soins dentaires.
La répartition des besoins en soins entre les hommes et les femmes s’inverse entre les deux extrêmes de revenus.
Notons que la peur du chirurgien dentiste n’est pas liée aux revenus sauf pour ceux inférieurs à 2000F mais la petitesse de notre effectif ne nous permet pas d’aller plus loin dans notre analyse.
68 – Si l’on vous donnait une rente de 10 000.- Frs par mois, cela vous permettrait de faire :
A – économies (1) 12 (2) 16 (3) 10 = 38 – 4
B – voyages (1) 32 (2) 13 (3) 19 = 64 – 45
C – soins médicaux (1) 9 (2) 4 (3) 4 = 17 + 41
D – soins dentaires
et prothétiques (1) 6 (2) 5 (3) 3 = 16 + 41
E – meilleures prothèses (1) 2 (2) 6 (3) 2 = 10 + 50
F – cadeaux à vos enfants (1) 19 (2) 21 (3) 13 = 53 – 30
G – cadeaux à vos petits-enfants (1)8 (2) 19 (3) 22 = 49 – 42
H – changer de logement (1) 6 (2) 6 (3) 13 = 35 + 13
I – Autres (1) 1 (2) 4 (3) 15 = 20 + 16
Ne sait pas = 8
Classez par ordre préférentiel de 1 à 3 les trois emplois les plus importants
1 – B 1 – B
2 – F 2 – G
3 – G 3 – F
Nous avons fait deux classements : un par cumul simple, pour l’autre nous avons multiplié par 1 le rang 1, par 2 le rang 2, par 3 le rang 3. Puis nous en avons fait l’addition par chaque proposition. Nous avons additionné tous les chiffres obtenus ce qui nous a permis d’en déduire la moyenne. Ensuite, la différence à la moyenne a été effectuée pour chaque proposition.
0 Lorsque les enquêteurs et nous-même avons posé cette question, un aspect éthique a été soulevé ; en effet, est-il décent de proposer un revenu de dix mille francs mensuel à une personne qui perçoit moins de deux mille francs ? Ce libellé devra être remanié dans notre prochaine enquête.
0 Force est de constater que les besoins médicaux et dentaires ne sont pas, et de loin, la priorité des personnes âgées enquêtées. Phénomène de société ou comportement égocentrique, les personnes âgées aspirent à faire des voyages ; mais tout de suite après viennent des cadeaux aux petits enfants et aux enfants.
Notre problématique de la difficulté de l’accès aux soins prothétiques pour les personnes âgées est battue en brèche, puisque c’est là, la dernière utilisation qu’elles feraient de leur argent. FISHMAN et Coll (1972) ont d’ailleurs montré que même si les soins sont gratuits beaucoup de personnes ne profitent pas de cet avantage.
CONCLUSION
L’étude que nous avons réalisée concerne 112 personnes âgées de 55 ans et plus – réparties pour 57% d’hommes et 43% de femmes – qui se sont présentées entre le 1er Mai et le 30 Juin 1992 dans des centres d’examens dentaires situés sur le territoire métropolitain français.
Un problème éthique s’est posé lors de la réalisation de notre enquête ; en effet, est-il décent de proposer dix mille francs de revenu supplémentaire par mois à une personne qui a un revenu mensuel inférieur à deux mille francs ? Cette proposition sera modifiée dans notre prochaine enquête.
65% de notre population vivent en couple, résident dans une ville moyenne ou un village, pour la majorité habitent dans une maison individuelle et possèdent une voiture, leur revenu moyen mensuel se situe entre quatre et huit mille francs.
Les deux tiers de notre population lisent régulièrement, écoutent la radio, regardent quotidiennement la télévision et 54% ont des activités physiques.
L’analyse de notre population va nous permetre de déterminer un certain nombre de critères afin de ne plus travailler sur une population aléatoire mais sur un échantillon de personnes âgées de 65 ans et plus.
Si 70% des personnes âgées observées fréquentent régulièrement les cabinets de chirurgie dentaire, 61% nécessitent des soins bucco-dentaires, 20% des soins prothétiques et 6% ne peuvent accèder aux soins pour des raisons financières.
Force est de constater que les besoins médicaux et dentaires ne sont pas, et de loin, la priorité des personnes âgées.
Notre problématique de l’accès aux soins prothétiques pour les personnes âgées est battue en brèche, puisque c’est là la dernière utilisation qu’elles feraient de leur argent.
Tout en sachant qu’une enquête américaine (FISHMAN, 1972) a montré que si même les soins sont gratuits, beaucoup de ces personnes ne profitent pas de ces avantages. Doit-on nier ces besoins en soins dentaires et prothétiques ?
La société se doit-elle de prendre totalement en charge ceux qui n’ont pas les moyens de se faire réaliser des restaurations prothétiques ?
Déterminer qu’une personne âgée (mais aussi les autres) nécessite des soins et vouloir qu’elle les réalise c’est analyser la valeur du risque encouru. Si elle ne se soigne pas , il est probable que d’autres désordres de santé générale surgiront entraînant un surcoût de dépenses.
Mais a-t-on le droit d’imposer à une personne de se soigner sur le fondement qu’elle va “coûter chère” à la société ?
Doit-on agir auprès des chirurgiens dentistes pour diminuer les coûts prothétiques et contrôler les dépassements fréquents et élevés des honoraires ?
C’est un problème difficile qui concerne les conditions de vie des praticiens.
En ce sens, le Docteur E. SAINT-EVE, Président du Conseil National de l’Ordre des Chirurgiens-Dentistes écrivait récemment (lettre complément au Bulletin Officiel, juillet 1992) :
“Il semble irrémédiable que le système social français reparte sur d’autres bases, plus proches de la réalité, plus proches des contraintes imposées au chirurgien dentiste, aux assurés sociaux, aux patients en général.
L’Ordre, chargé de maintenir le tact et mesure, n’a pas l’intention de se dérober à sa tâche. Encore plaide-t-il pour que tous les moyens matériels soient assurés au chirurgien-dentiste pour leur permettre de remplir leur mission.
Il est inconcevable, disait un jour le Président DUCAMIN, que chaque jour,le chirurgien dentiste, dans l’exercice de ses fonctions, soit confronté à des problèmes de conscience insurmontables”.
Peut-on envisager une motivation pour les soins dentaires et prothétiques auprès des personnes âgées par voie de presse et de télévision ?
Toute motivation ne peut qu’être salutaire à l’ensemble de la population. Et comme dans toute mise en place de système de prévention, on ne peut en estimer les retombées que loin dans le temps et les économies réalisées sont difficilement chiffrables.
La ou les réponses à ces différentes questions doivent susciter un comportement éthique de société ; mais celui-ci sera très vite pris dans la nasse de l’économie de santé et de la politique politicienne.
Suivant les réponses des praticiens, dans 51% des cas, les personnes âgées, pourraient avoir de meilleures réalisations prothétiques (au Québec, 54% de personnes âgées ont des prothèses inadéquates). A 70% les chirurgiens dentistes font entrer dans leur décision prothétique les moyens financiers du patient.
Doit-on poser des éléments prothétiques alors que l’on a pleinement conscience qu’il en existe d’autres de meilleure qualité ?
Le Président SAINT-EVE cité plus haut apporte un embryon de réponse. On pourrait cependant proposer une détermination plus stricte et contrôlée du tact et mesure.
L’éthique dentaire aurait-elle comme panacée la médecine de riches et la médecine de pauvres ?
Nous osons espérer que non ; cependant il nous faut bien admettre qu’en matière de prothèse dentaire l’argent est le moteur décisionnaire.
Ethique de société, éthique odontologique, toutes les deux sont imbriquées dans les mailles du système de protection sociale dans son ensemble et plus particulièrement pour les personnes âgées .
Toutes les questions que nous venons d’évoquer montrent que notre travail n’en est qu’à son début.
Ce mémoire nous aura permis d’évoquer une problématique, de la sérier et de réaliser ce que nous devons considérer comme étant une pré-enquête.
La suite de notre étude sera la rédaction d’une nouvelle fiche d’enquête où nous développerons beaucoup plus l’aspect prothétique et le comportement du chirurgien dentiste sur une population de 65 ans et plus avec une meilleure répartition au niveau des lieux d’observation (hospice, hopital).
L’analyse des données sera faite par un logiciel plus performant au centre informatique de la faculté de chirurgie dentaire de Toulouse.
Un travail se finit, un autre se commence, comme le signale J. D’HONDT (1984) :
“C’est dans un nouvel esprit éthique qu’il faut s’atteler à la tâche “!
REFERENCES : “Gérodontologie et argent Aspects éthiques”
Alain BERY Maître de Conférences des Universités
Promotion : 1991-1992 Année de publication : 1992
Directeur des travaux : DESCAMPS Marc-Alain Affiliation du diplôme : Université René Descartes Paris V DEA d’éthique médicale et biologique (Pr Christian Hervé)
Lieu : Faculté de médecine de Necker
156, rue de Vaugirard
Code Postal : 75015 Ville : Paris