Fluor : lutter contre les idées fausses

PARIS, 6 octobre (APM Santé) – La fluoration représente l’une des actions les plus efficaces pour la prévention des caries dentaires et s’il existe des cas de fluorose, le risque reste minime en France, a expliqué à APM Santé le Pr Michel Vidailhet, chef du service de médecine infantile de génétique clinique du CHU de Nancy, résumant ainsi le message essentiel du livre blanc du fluor rédigé par le Comité experts carie action fluor (Cecaf), dont il fait partie.
Intitulé “Le fluor, un élément déterminant pour la prévention de la carie chez l’enfant”, ce livre blanc est le fruit d’un travail de deux ans, au cours desquels les membres du groupe de travail (composé de cinq chirurgiens dentistes et d’un pédiatre français, ainsi que d’un biochimiste britannique) se sont réunis une demi-douzaine de fois pour passer en revue la bibliographie consacrée au risque carieux et/ou à la supplémentation en fluor.
Le but de cette action : faire le point sur le sujet, rappeler le message des recommandations publiées en 2002 par l’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (Afssaps), qui sont “toujours d’actualité” et lutter contre “la diffusion de recommandations sauvages”. En effet, relève le Pr Michel Vidailhet, des “propos divergents et contradictoires” (“le fluor, ça sert à rien”, “le fluor c’est dangereux”…) circulent, y compris chez les spécialistes.
QUI DOIT PRENDRE DU FLUOR, ET COMMENT ?
Le fluor permet de prévenir la formation des caries en diminuant la déminéralisation et en favorisant la reminéralisation de l’émail des dents. Pour autant, il faut garder en tête que “l’administration de fluor n’immunise pas le patient contre la carie dentaire mais augmente la résistance de la dent à la maladie carieuse”, préviennent les experts ayant participé à la rédaction de ce livre.
Pour ne pas “priver un enfant du bénéfice d’un mode de prévention dont l’innocuité ne fait pas de doute s’il est appliqué dans les règles”, les auteurs du livre blanc plaident pour une supplémentation fluorée systématique dès la naissance.
Globalement, il convient de donner du fluor par voie générale à tous les enfants jusqu’à l’âge de douze ans (par l’intermédiaire de la prescription d’une supplémentation fluorée dont la dose est adaptée à l’âge).

Ensuite, l’apport de fluor par voie topique doit débuter dès l’éruption dentaire. D’abord par l’intermédiaire d’un dentifrice très faiblement fluoré jusqu’à l’âge de six ans (parce que les jeunes enfants avalent la plupart du dentifrice qu’ils utilisent), ensuite par un dentifrice plus fluoré.
Pour les enfants de plus de deux ans, on peut s’abstenir de prescrire une supplémentation sous réserve qu’ils consomment du sel fluoré (sans augmenter la quantité de sel consommée) à tous les repas.
Les seuls enfants pour lesquels l’apport de fluor doit être uniquement assuré par le dentifrice, en l’absence de supplémentation fluorée, sont ceux qui habitent dans les régions dans lesquelles l’eau de boisson est naturellement riche en fluor (la teneur en fluor est indiquée sur les brochures d’information accompagnant la facture d’eau).
UNE POLÉMIQUE INJUSTIFIÉE
La fluoration représente une “action de santé publique préventive majeure, parfaitement validée et dont l’effet est incontestable”, insiste le pédiatre nancéen.
D’après les données présentées dans le livre blanc, actuellement, en France, 55% des enfants de six ans seraient totalement indemnes de caries (contre 32,2% en 1987). En dépit de l’amélioration enregistrée au cours des trois dernières décennies avec la multiplication des campagnes de prévention, “les données des dernières enquêtes montrent un ralentissement, voire un arrêt” de cette progression, alors que l’on est encore loin d’atteindre l’objectif fixé par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) pour 2015, à savoir 80% des enfants de 6 ans indemnes de caries.
L’amélioration de l’hygiène dentaire et de l’accès aux soins, ou encore une attention plus soutenue à la consommation de sucreries ne sont pas étrangères à cette amélioration de l’état dentaire de la population, mais “le facteur majeur et déterminant dans la diminution de la carie [depuis les années 70] est certainement l’utilisation du fluor sous toutes ses formes” (dentifrices, comprimés, gouttes, gels, vernis, sel, eau), indiquent les experts du Cecaf.
Si une augmentation de l’incidence des cas de fluorose dentaire a été observée aux Etats-Unis (notamment du fait d’excès de supplémentation accompagnés d’enrichissements parfois excessifs), en France, le risque de fluorose, principalement dû à la méconnaissance des sources d’apports de fluor, reste faible.
“La carie est toujours un problème de santé publique ; en revanche le risque de fluorose dentaire est faible et peut être facilement prévenu par un meilleur contrôle des apports en fluor”, précisent les recommandations de l’Afssaps, rappelées dans ce livre blanc. “Lorsque les apports sont maîtrisés, l’efficacité du fluor pour la prévention de la carie dentaire l’emporte largement” sur le risque de fluorose, estiment les experts ayant rédigé ce livre blanc à la lumière de la bibliographie scientifique qu’ils ont passée en revue.
Des exemplaires de ce livre blanc ont déjà été remis à des représentants de la Caisse nationale d’assurance maladie (Cnam) et de l’Afssaps, a indiqué le Pr Michel Vidailhet à APM Santé.
Les chirurgiens dentistes, les pédiatres, ainsi que les médecins généralistes voyant plus de 130 nourrissons par an devraient recevoir ce livre blanc dans la semaine, a précisé à notre agence de presse Marie-Sophie Chadrin, attachée de presse de cette opération.