Effets d’agents antimicrobiens sur un modèle de biofilm dentaire in vitro

Résumé d’une étude présentée à la Faculté de Médecine de l’Université de Genève par Hiroyuki Takinami de Fukui (Japon)

La flore orale est constituée d’une grande diversité de microorganismes. Elle comprend des virus, des bactéries, des champignons, des mycoplasmes et, parfois, des protozoaires. Les bactéries, représentées par plus de 500 espèces, occupent, au sein de cet ensemble, la part la plus importante.

Les microorganismes qui colonisent les surfaces dentaires s’organisent en biofilm, appelé plaque dentaire.

Le biofilm dentaire se compose de différentes populations bactériennes entourées d’une matrice de polysaccharides et de glycoprotéines.

La prévention des maladies associées à la présence de biofilms, telles que la carie dentaire ou les maladies parodontales, passe par le contrôle de la plaque dentaire. Celui-ci est réalisé le plus souvent par des moyens mécaniques, tel que le brossage, mais aussi par des moyens chimiques.

Les agents chimiques sont utilisés surtout sous forme de bains de bouche, en complément des moyens mécaniques.

Les agents antiplaques se définissent par leur capacité de perturber la plaque dentaire et ainsi prévenir le développement de gingivite ou de carie dentaire.

Tous les agents antimicrobiens n’ont pas nécessairement des propriétés antiplaques. Les agents antiplaques actifs peuvent agir sur la formation du biofilm en interférant avec les mécanismes impliqués dans l’adhésion bactérienne ou de coaggrégation entre bactéries, en affectant la vitalité bactérienne ou en perturbant le biofilm déjà organisé. De nombreux agents antibactériens ont été testés dans des essais cliniques mais peu ont montré des propriétés antiplaques.

Le digluconate de chlorhexidine (CHX) compte parmi les composés les plus éprouvés. Ses propriétés antiplaques sont bien établies. La CHX est un bisbiguanide cationique qui interagit avec les charges négatives de la pellicule acquise et inhibe l’adhésion bactérienne à la surface amélaire.

La CHX est également connue pour ses caractéristiques bactériostatiques vis-à-vis de la majorité des bactéries orales. À haute concentration, elle devient bactéricide et agit tel un détergent en endommageant les membranes bactériennes.

Le triclosan (TRI) est un composé phénolé anionique. Seul, il présente de faibles propriétés inhibitrices sur la plaque dentaire, si bien qu’il est souvent associé à d’autres agents antibactériens ou à des agents qui augmentent sa rémanence, comme le pyrophosphate, le citrate de zinc, les huiles de silicone ou des copolymères.

L’isopropyl-méthylphénol (IPMP) est également un composé phénolé anionique, isomère du thymol. On le retrouve dans divers bains de bouche en raison de son activité antibactérienne et son pouvoir de pénétration.

Le chlorure de cétylpyridinium (CPC) constitue un groupe d’agents tensioactifs cationiques. Tandis que le CPC s’est révélé particulièrement efficace in vitro en tant qu’agent antiseptique, son efficacité sur la plaque dentaire et sur la réduction de la gingivite reste secondaire.

L’objectif principal de cette étude consistait à évaluer in vitro l’effet de ces agents antimicrobiens sur un modèle de biofilm. Un deuxième objectif était de comparer l’effet de ces agents selon que le biofilm était immature ou mature. Dans le modèle utilisé, des disques d’hydroxyapatite sont incubés en présence de 4 espèces bactériennes orales – Actinomyces naeslundii, Fusobacterium nucleatum, Streptococcus oralis et Veillonella dispar – dans un milieu anaérobie pendant 12 heures (biofilm immature) ou 73 heures (biofilm mature).

L’exposition aux agents antimicrobiens a été réalisée à 4, 8 et 12 heures pour le biofilm immature et à 65, 69 et 73 heures pour le biofilm mature. Les biofilms ont été mis en présence de 0,2 % de CHX, 0,2 % de TRI, 0,05 % de CPC et 0,1 % d’IPMP. Des groupes contrôles ont été réalisés en exposant les biofilms à des solutions de 0,9 % de NaCl et de 10 % de C2H5OH. Après exposition, les biofilms ont été recueillis et le nombre total de bactéries a été évalué par culture sur gélose (nombre d’UFC). Certains prélèvements ont été observés au microscope confocal après une coloration par fluorescence des bactéries mortes et vivantes. Une étude morphométrique de la structure du biofilm a été réalisée avec un logiciel de reconstruction tridimensionnelle.

La CHX et l’IPMP provoquèrent une diminution significative des UFC par rapport aux contrôles aussi bien avec le biofilm immature que mature, tandis que le TRI n’eut un effet que sur le biofilm mature. Le CPC eut peu d’effet sur les deux types de biofilm. L’observation au microscope confocal a montré que l’épaisseur du biofilm fut significativement plus élevée pour les biofilms matures par rapport aux biofilms immatures.

En présence de CHX, l’épaisseur du biofilm immature était significativement plus faible par rapport aux autres groupes.

L’analyse 3D mit en évidence que l’effet bactéricide était plus marqué à la surface du biofilm et que des bactéries vivantes demeuraient présentes dans les couches profondes.

Source : effets d’agents antimicrobiens sur un modèle de biofilm dentaire in vitro
THESE présentée à la Faculté de Médecine de l’Université de Genève pour obtenir le grade de Docteur en médecine dentaire par Hiroyuki Takinami de Fukui (Japon)

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