Des protozoaires oraux… pas si pathogènes que ça ?

Selon un article paru dans “Information Dentaire” élaboré à partir d’une analyse de la littérature concernant le rôle pathogène des protozoaires oraux (E. gingivalis et de T. tenax), celui ci ne pourrait être mis en évidence. De plus, la présence de ces protozoaires chez les sujets atteints de maladie parodontale serait très variable. En contrepartie, chez les patient sain on trouverait une part non négligeable de ces protozoaires.

Chez des patients présentant une maladie parodontale, gingivite ou parodontite, la fréquence de détection d’E. gingivalis et de T. tenax varie respectivement de 12 à 100 % et de 4,5 à 28,6 % selon les auteurs. Par ailleurs, les études s’accordent toutes pour préciser que la prévalence d’Ј. gingivalis et de T. tenax est nettement supérieure chez les patients atteints de maladie parodontale pur rapport à ceux qui présentent un parodonte cliniquement sain et qu’elle augmente avec la sévérité de l’atteinte parodontale.
Mais les protozoaires se retrouveraient également chez les patients “sains”.
Certaines études montrent une absence ou un nombre négligeable des protozoaires buccaux lorsque le patient ne présente pas de maladie parodontale. Féki et coll. en 1981 montrent au contraire une présence significative d’E. gingivalis et de T. tenax au niveau de sites dentaires non affectés par la maladie parodontale, respectivement de 40 % et 13 %. De même, de Albuquerque Junior et coll. en 2011 constatent une prévalence supérieure de T. tenax dans la salive et dans la plaque dentaire chez les patients sains (respectivement 55,5 % et 22,2 %) par rapport aux patients atteints de parodontite (respectivement 16,7 % et 7,1 %), mais le nombre des patients sains est 4,6 fois plus petit que celui du groupe malade.
La variabilité de ces résultats s’explique par la disparité des protocoles, des échantillons sélectionnés (nombre de patients, âge, sexe, contexte socio-économique, contexte parodontal et niveau d’hygiène différents), du type de prélèvements (plaque dentaire et/ou salive) et de la méthode d’identification des protozoaires (observation phénotypique au microscope et/ou analyse du génome par biologie moléculaire). Par conséquent, toutes ces études montrent un grand nombre de limites et leur pertinence reste à discuter. Pour obtenir des informations fiables et exploitables, il est nécessaire de prendre en compte plusieurs sites chez un même individu de façon randomisée.

Les auteurs concluent :

“Même si l’amibe E. histolytica est pathogène pour l’homme, aucune étude scientifique ne permet d’émettre une conclusion similaire pour E. gingivalis et T. tenax. Un parallèle entre le milieu intestinal et le milieu buccal est donc inopportun au regard du manque de preuves concernant les protozoaires buccaux. Des études complémentaires sont nécessaires pour comprendre le rôle joué par ces micro-organismes dans les lésions parodontales. Par conséquent, la présence d’f. gingivalis et de T. tenax dans la plaque dentaire n’a pas de valeur diagnostique ou pronostique et ne justifie pas une modification des recommandations officielles concernant le traitement des maladies parodontales (cf recommandations ANAES parodontopathies: diagnostic et traitements 2002, prescriptions des antibiotiques en pratique bucco-dentaire 2011). A ce jour, les protozoaires buccaux doivent être considérés comme des organismes commensaux qui peuvent proliférer au sein des biofilms buccaux, sans pour autant être néfastes pour le parodonte”.

Implications des protozoaires
dans l’étiopathogénie des parodontites, Mythe ou réalité ?
Élise Auber, Pamela Passerai de Silans, Sophie-Myriam Dridi, Catherine Bisson
ID 41 42 Novembre 2014