Les traitements bucco-dentaires figurent en bonne place parmi les quelques maillons manquants dans la chaîne de soins aux personnes âgées dépendantes et aux handicapées. C’est ce constat qui a conduit le Dr Eric-Nicolas Bory, aujourd’hui responsable du service d’odontologie du centre hospitalier du Vinatier à Bron (69), à ouvrir son service aux personnes extérieures à l’établissement, dès 1997.
Cette unité, qui suit désormais 1 000 patients par an et en accueille 2 000 en consultation, a été récompensée, en juin dernier, par le premier prix Hélioscope 2003 décerné par la fondation Hôpitaux de Paris – Hôpitaux de France. Pour le Dr Eric-Nicolas Bory, il s’agit là d’un début de « reconnaissance nationale » du travail accompli.
Des besoins énormes
Surtout, ce prix fait office de catalyseur du projet de réseau de soins bucco-dentaires déposé à l’URCAM en mars dernier. Aux dernières nouvelles, ce projet, qui requiert un budget de 700 000 euros, aurait toutes les chances d’être retenu au titre du FAQSV (Fonds d’aide à la qualité des soins en ville). Le Dr Bory espère ainsi organiser une prise en charge progressive des soins à Lyon, dans le Rhône, puis dans toute la région. « Les besoins sont énormes, insiste-t-il. En Rhône-Alpes, plus de 100 000 personnes âgées dépendantes et 40 000 personnes handicapées vivent en institutions, et sont potentiellement concernées. »
Au détour d’une petite enquête réalisée dans 3 maisons médicalisées lyonnaises, le Dr Bory avait pu constater que les résidents présentaient des caries, souffraient de prothèses mal adaptées, de troubles de la mastication. Plus grave encore, « 17 % des personnes à risques d’endocardites infectieuses avaient plus d’un foyer infectieux dans la cavité buccale », précise-t-il.
Les premiers soins à mettre en œuvre sont souvent lourds à gérer, et plus douloureux pour le patient, nécessitant une sédation, voire une anesthésie générale. Or « il est désormais possible de réduire les prémédications sédatives tout en améliorant la prise en charge de la douleur, par l’emploi du protoxyde d’azote dans le cadre d’un protocole strictement établi », commente le Dr Bory, ajoutant que cette technique serait en place dans son service d’ici à la fin 2003.
Centres de santé buccale
L’idée d’un travail en réseau a germé « lorsque nous nous sommes aperçus que les difficultés d’approche diminuaient au fil du temps, du fait de la relation de confiance et du suivi régulier qui s’instauraient », poursuit-il. Une enquête menée auprès de 4 000 chirurgiens-dentistes de Rhône-Alpes, en mai et en juin dernier, a montré que 250 praticiens de la région étaient prêts à s’impliquer dans ce réseau. Avec quelques préalables, tout de même, comme pouvoir intervenir, dans un premier temps, au sein d’une structure extérieure et adaptée, bénéficier d’une formation ad hoc, mais aussi d’une rémunération qui prenne en compte les difficultés de cette prise en charge. « Pour commencer, nous espérons pouvoir impliquer 80 dentistes libéraux dans le département du Rhône », indique Eric-Nicolas Bory. Le réseau s’articulerait autour de centres de santé orale, identifiés dans des structures existantes comme le service du Vinatier, mais également aux Hospices civils de Lyon, dans les structures mutualistes et les centres de santé. Les praticiens formés aux soins spécifiques, et aguerris aux techniques de sédation, travailleraient donc en concertation avec les libéraux, vacataires.
Prévention
« Après les premiers soins, le suivi est généralement moins complexe, résume le Dr Bory, et pourrait donc se dérouler au cabinet de ville. » En outre, le futur réseau s’inscrira dans le processus de continuité des soins déjà engagé par son service, comprenant de petites formations à l’hygiène bucco-dentaire auprès des soignants des EHPAD de la ville de Lyon. L’effort sera centré sur la prévention : « Il ne sera plus question de soigner massivement puis attendre deux ans pour réintervenir, précise le chirurgien-dentiste, mais d’organiser le suivi pour anticiper la prise en charge. » D’autant que cette organisation peut aussi être source d’économie : « Le fait d’avoir mis en place cette politique de santé au Vinatier nous a permis, à budget constant, de réduire les besoins en soins », affirme le Dr Bory. Quant à l’expérience acquise grâce au réseau, elle pourrait être mise à profit pour élaborer des référentiels de bonne pratique, aujourd’hui inexistants pour ces soins spécifiques. Un dossier a déjà été transmis à l’ANAES dans ce sens.
Caroline FAESCH
SOURCE : QUOTIDIEN DU MEDECIN
du 02/10/2003
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