Conduite à tenir chez le patient greffé

Grâce aux progrès de la chirurgie et à la meilleure connaissance des données immunologiques, la greffe d’organe représente, aujourd’hui, un réel espoir de retour à une “vie normale” pour un nombre de plus en plus important de malades.
Si la majorité des soins bucco-dentaires est accessible aux patients greffés, il est indispensable, en fonction de l’état de santé du malade, de ses éventuelles médications, mais aussi de la nature des soins à réaliser, de prendre les précautions qui s’imposent.
En effet, un patient greffé est avant tout un patient immunodéprimé, chez qui la moindre infection peut mettre en jeu le pronostic vital : nos actes, notamment chirurgicaux, peuvent être la porte d’entrée à cette infection. Une antibiothérapie est alors indiquée. Les règles d’asepsie-antisepsie sont impératives.
Il faudra aussi veiller à la néphrotoxicité de nos médicaments (greffé rénal), au risque d’endocardite oslérienne et aux troubles de l’hémostase et de la coagulation (greffé cardiaque).

INDICATIONS DES TRANSPLANTATIONS
Les transplantations sont indiquées dans les cas suivants :
-Insuffisance rénale chronique terminale (transplantation rénale)
-Cirrhose hépatique, carcinomes hépatocellulaires et hépatites fulminantes (transplantation hépatique).
• Leucémies aiguës myéloblastiques, lymphoblastiques, certaines leucémies myéloïdes chroniques et les aplasies médullaires sévères (greffes de moelle osseuse).
• En dernier recours, affections myocardiques (affections des artères coronaires, cardiomyopathies, affections valvulaires) ne pouvant être corrigées par des approches médicales ou par d’autres types d’interventions chirurgicales (greffe cardiaque).

TRAITEMENTS SUIVIS PAR LES PATIENTS GREFFÉS
• La greffe d’organe est à l’origine d’une réaction de rejet qui, en l’absence d’un traitement, détruit le greffon en quelques jours. Le traitement immunosuppresseur prescrit permet de limiter ce phénomène.
• Les deux grandes familles d’immunosuppresseurs utilisées en clinique sont:
– les agents pharmacologiques (l’azathioprine, les glucocorticoïdes et la ciclosporine);
– les immunosuppresseurs biologiques (anticorps monoclonaux et polyclonaux).

CONDUITE À TENIR CHEZ UN PATIENT TRANSPLANTÉ
0 Lors de l’interrogatoire:
• S’informer de la date de la transplantation, des coordonnées du centre de transplantation.
• Se mettre en rapport avec l’équipe médicale afin d’établir un protocole de soins.
Lors de l’examen clinique:
• Rechercher la présence de foyers infectieux latents ou patents
• Mettre en évidence des manifestations buccales spécifiques :
– hyperplasies gingivales liées à la prise de ciclosporine
– infections fongiques (candidoses) virales (stomatites herpétiques) ou bactériennes liées à l’immunosupression.
– parfois, paresthésies buccales (glossodynies, stomatodynies), en rapport avec des troubles psychologiques profonds.

Face au risque infectieux :
• Recommandations de l’Afssaps (2002) (1) : Les patients transplantés sous thérapeutique immunosuppressive, à l’exception des patients sous ciclosporine seule, pour lesquels le risque d’infection est moindre, sont considérés comme des sujets à risque d’infection locale ou générale (risque A).
– Tout acte susceptible d’installer une bactériémie sera réalisé avec une antibioprophylaxie, accompagnée d’une antibiothérapie curative en cas d’infection installée.
– Les soins endodontiques, les soins parodontaux non chirurgicaux et chirurgicaux, les avulsions dentaires, les chirurgies d’exérèse des tumeurs bénignes et la chirurgie implantaire nécessiteront une antibioprophylaxie.
• Réaliser une remise en état de la cavité buccale en éliminant les foyers infectieux et en incitant à un contrôle de plaque rigoureux.
O Concernant les traitements suivis par les patients :
• Éviter l’association de certains médicaments dangereux par leurs effets potentialisateurs :
– pas d’AINS (anti-inflammatoires non stéroïdiens) chez les patients sous corticoïdes,
– éviter les macrolides qui potentialisent les effets de la ciclosporine A,
– éviter les antifongiques imidazolés (kétoconazole, itraconazole…).
• Prendre en compte les effets indésirables des immunosupres-seurs :
– l’azathioprine a des effets secondaires hématologiques: leuco-pénie, thrombopénie et une anémie : la thrombopénie et le risque hémorragique associé nécessitent, avant tout acte chirurgical, la prescription d’un bilan d’hémostase.
– les patients transplantés cardiaques sont en général sous traitement anticoagulant :
. pour des actes à l’origine d’un saignement limité, l’INR autorisant l’intervention doit être inférieur ou égal à 2, . pour des actes plus conséquents ou dont le saignement est imprévisible, le patient est adressé pour modification éventuelle de la posologie, ou pour intervention en milieu hospitalier sans modification du traitement. Après avis du médecin traitant, les anticoagulants sont maintenus, sont réduits ou font l’objet d’un relais par héparine.

CONCLUSION
L’odontologiste tient une place importante au sein de l’équipe médicale pluridisciplinaire, en veillant à l’élimination des foyers d’infection et en respectant les recommandations concernant ce type de patients «à risque infectieux». Des visites de contrôle trimestrielles doivent être instaurées pour maintenir une hygiène buccodentaire optimale et prévenir les récidives de toute infection.

BIBLIOGRAPHIE
-Chirurgie et Pathologie – 1998
Conduite à tenir chez les patients à risques. Intervenir et/ou prescrire ?
Damien DURAN
– Recommandations. Agence française de sécurité sanitaire des produits santé
Méd. Mal. Infect. 2002; 32: 131-133.
– Carpenter C.B., Lazarus J.M.
Dialyse et transplantation dans le traitement de l’insuffisance rénale. In : Harrisson T.R. Principes de médecine interne. Tome l.Paris: Médecine – Sciences Flammarion, 1993. 1157-1166.
– Le Toux G., Bonnaure-Mallet M., Abjean J.
Hyperplasie gingivale sous ciclosporine A: données actuelles et rapport d’un cas. J. Parodontol., 1990; 9: 155-159.
– Roche Y.
Chirurgie dentaire et patients à risque. Évaluation et précautions à prendre en pratique quotidienne. Paris : Médecine – Sciences Flammarion, 1996: 47-48. ¦
Clinique
formation continue
M. LAVAUD, J.M. GALEAZZI, L. MAMAN
Conduite à tenir chez les patients greffés :
greffes de rein, de foie,
de cњur et de moelle osseuse
-LE CHIRURGIEN-DENTISTE DE FRANCE Nc 1254/1255 DU 20-27 AVRIL 2006