Comprendre et traiter le bruxisme nocturne

Le grincement des dents pendant la nuit est appelé “bruxisme nocturne”.
Il toucherait 5 à 6 % des Français. Près de 14% des enfants grinceraient des dents à quelques reprises par semaine. La prévalence du bruxisme diminue avec l’âge, passant à 10-12% à l’adolescence et à 3% chez les personnes âgées de 60 ans et plus.
Le bruxisme est une “Contracture inconsciente, nocturne ou diurne, des muscles élévateurs de la mandibule, pouvant se produire aussi bien chez l’enfant que chez l’adulte, et sous l’influence de certains états nerveux.”(Tiré de COURTOIS, Jean. Lexique des termes de pathologie dentaire. Paris : Prélat, [1972]. 73 p., p. 20). Les frottements dentaires peuvent être asymétriques (grincement des dents) ou symétrique (serrement des dents ou “clenching”).
le bruxisme se caractérise par une mise en contact forcée et fréquente avec serrement persistant et répétitif pathologique des dents qui met en jeu des contractions inconscientes des muscles masticateurs en dehors de la fonction physiologique (mastication, déglutition). Le bruxisme à été décrit par le père de la neurologie moderne, le professeur Mariede Paris, sous le terme ” bruxomanie “. Ce dernier avait observé que si un patient interné pour trouble psychatrique ou avec traumatisme cérébral grinçait des dents, presque tout l’étage en faisait autant”
Vers les années 1960, le rôle de l’occlusion dentaire et du stress a dominé dans le descriptif des causes du bruxisme.Toutefois, l’évolution technologique a permis des avancées remarquables dans l’étude des causes du bruxisme. Une séquence d’événements a été mise en évidence : a) le cerveau est activé 4 secondes avant le début d’un épisode de bruxisme; b) le rythme cardiaque s’accélère 1 seconde avant le début d’un épisode de bruxisme; et enfin, c) les muscles desmâchoires s’activent et dans 50% des cas, il ya une forte déglutition.

Ces travaux ont permis de démontrer que le bruxisme est une réponse excessive du cerveau et du cњur associée à uné veil bref et inconscient du cerveau lors du sommeil. Le grincement est de plus un événement ” extrême ” d’un phénomène normal car près de 60% des sujets normaux, sans histoire de bruxisme, ont démontré des contractions des mâchoires lors du sommeil. Toutefois, les sujets normaux le font 3 fois moins souvent que les bruxeurs et avec moins de force. Le bruxisme au cours du sommeil semble associé à un ensemble d’activités physiologiques normales mais qui surviennent trop fréquemment. Il est probable que ces activités involontaires se manifestent enréponse à un état de vigilance accru le jour (p.ex., anxiété, stress, hyperactivité)…
Le bruxisme peut avoir une cause essentiellement dentaire.
Une anomalie d’occlusion objective que l’on essaye d’effacer en grinçant des dents. Il faut savoir qu’on peut être indisposé par des surépaisseurs de l’ordre de moins de 1/10° de mm…
Des cas fréquents de maloccusions sont les suivantes :
-Dent de sagesse du bas extraite, dent de sagesse du haut en égression
car elle n’a plus d’antagoniste et qui sert de taquet empêchant le
replacement de la mandibule en arrière en position de repos.
-Extraction des dents de 6 ans du bas qui entraîne des versions.
-Surroclusions iatrogènes prothétiques.
-Dysharmonie Dento Maxillaire.
Les malloclusions entraîne à la longue une perte de la position maxillo-mandibulaire de référence.
Cependant selon certains auteurs “Les résultats des recherches des dix dernières années sur le sujet ont montré que le bruxisme qu’il soit du sommeil ou de l’éveil n’est pas lié à la présence d’une l’occlusion pathogène, au contraire l’étude de T.T. Dao relève que les interférences occlusales diminuent dans un premier temps le bruxisme nocturne !” (Dr. Alain Hoornaert ADF 2005)
L’importance du grincement augmente en fonction du stress ressenti durant la journée et une corrélation positive entre le bruxisme et l’anxiété, l’hostilité ou encore l’hyperactivité a été mise en évidence chez les étudiants, notamment à l’approche des examens. De plus les bruxomanes seraient plus introvertis, supportant moins la frustration.Au lieu de diriger leur hostilité ou leurs frustrations envers les autres, ils vont la retourner contre eux. C’est une forme d’automutilation…
Il s’agirait de l’expression de l’anxiété, des difficultés rencontrées dans la vie ou encore des frustrations ressenties:
“On grince des dents quand on ne peut pas mordre ce qu’on a envie de mordre” comme l’a écrit M. Bonaparte (1952).
Pour d’autres, le bruxisme serait une habitude héritée du monde animal, instinctive, et qui permet aux carnivores de garder les dents acérées. Une habitude qui n’aurait pas disparue chez l’homme, malgré la civilisation.
Eventuellement, tendance plus importante à la dépression et à l’instabilité émotionnelle.
Le bruxisme nocturne peut s’accompagner de douleurs musculaires et de douleurs au niveau des articulations temporomandibulaire au réveil.
Le bruxisme pouvait correspondre à une carence en vitamine B5 ou en magnésium.

Selon certaines études, la prévalence du bruxisme est élevée chez les jumeaux homozygotes (jumeaux identiques) quoique aucun marqueur génétique n’ait été identifié jusqu’à maintenant. De plus, le bruxisme persiste chez 86% des jumeaux adultes comparativement à 35% chez les adultes non-jumeaux.
Une sensibilité neurochimique (neurotransmetteurs tels la dopamine et la sérotonine) mais peu d’informations et d’explications sont disponibles à ce sujet. L’anxiété est considérée comme un élément déclencheur ou amplifiant du bruxisme. Le rôle attribué aux neurotransmetteurs, comme la dopamine, est beaucoup moins clair qu’on le prétendait originalement. Certains antidépresseurs tels les inhibiteurs sélectifs de la recapture de la sérotonine ou ISRS (p. ex. Prozac, Paxil, Zoloft) sont reconnus pour exacerber le serrement -et parfois le grincement- des dents.
Enfin, on a noté que la consommation d’alcool, de tabac ou de drogue constituait des facteurs aggravants.Il existe cependant différents facteurs connus qui favorisent ce comportement:
-troubles du sommeil
-stress
-alcool
-tabac
-caféine
-drogue
-certaines maladies du système nerveux central
-une mauvaise occlusion
-une prothèse dentaire mal adaptée
-hérédité

Quelques conséquences possibles du bruxisme:
-Usure des dents sous la forme de facettes d’usures. Les facettes d’usure de bruxisme se caractérisent par leur situation en dehors des zones de contact fonctionnel. Elles vont par deux c’est à dire qu’il existe une concordance géométrique entre les facettes d’usures d’une dent et de son antagoniste.
Les effets du bruxisme ne se limitent pas sur les dents naturelles mais également chez les porteurs de prothèses, on peut voir nettement l’usure des dents artificielles.
-muscles de la mâchoire douloureux
-maux de tête
-maux de dents
-obturations abîmées
-couronne dentaire abîmées (fracture des céramiques…)

En cas de bruxisme aggravé il peut y avoir des séquelles au niveau de la sphère orofaciale.

Au niveau des dents :
-Hypersensibilité :
L’usure de l’émail finit à la longue par entrainée une hypersensibilité.
Il existe 4 degrés d’usure des surfaces dentaires
. Degré 1 : abrasion de l’email seul.
. Degré 2 : abrasion de l’email et de la dentine.
. Degré 3 : abrasion de dentine.
. Degré 4 : abrasion de dentine jusqu’à la découverte de la pulpe.
-Fêlures et fractures.
-Mortification pulpaire se voyant plus fréquemment sur les incisives. Ce sont les microtraumatismes circulatoires transmis au niveau de l’apex ou par infiltrations bactérienne dans une fêlure qui sont le plus souvent mis en cause.

Au niveau du parodonte :
-Essentiellement une hypertrophie osseuse compensatoire (épaississement de l’os alvéolaire.)
-Epaississement de l’espace desmodontal.
-Parodontolyses et mobilité et déplacements dentaires favorisés par une hygiène défectueuse.

Au niveau des muscles masticateurs :
-Hypertonie musculaire vu l’absence de détente entre deux contacts occlusaux.
-Limitation de l’ouverture buccale surtout au réveil lorsque le patient souffre d’un bruxisme nocturne.
-Spasmes musculaires douloureux comme pour le masséter, le temporal et le ptérygoïdien
-Hypertrophie du masséter et du temporal.

Au niveau des Articulations Temporo Mandibulaires :
-Algie Dysfonctionnelle de l’Apareil Manducateur (Douleur articulaire par compression du disque articulaire, Arthrite dégénérative, trauma Luxation réductible ou non réductible du disque…)
-Altérations de mouvements mandibulaires
-Bruits et craquement articulaires.

Traitement :
-Ajustement occlusal pour supprimer les déséquilibres occlusaux.
-reconstitution prothétique dans une position de référence (OIM) une dimension verticale d’occlusion (DVO) correcte si elles ont été perturbées par la malloclusion.
-Replacement orthodontique des dents ayant subies des migrations.
-Apprentissage de la relaxation : exercices de décontraction pour diminuer le stress et la douleur selon une apporche cognitivo-comportementale. Selon le Dr.Bernard Fleiter “La prise de conscience du bruxisme par le patient conditionne une grande partie de la prise en charge. Ainsi, dès la première consultation, on incitera celui?ci à repérer les moments et ses activités réalisées lorsqu’il prend conscience des contraintes inter?occlusales ou des crispations. Un agenda sera tenu afin d’identifier sérieusement et précisément les horaires de ces épisodes de bruxisme. La reconnaissance des ces activités délétères est la base des thérapies cognitives.
La seconde phase consistera à décider ensemble des changements dans le comportement quotidien. En tout premier lieu, il s’agira d’identifier les < stresseurs > professionnels ou de la vie personnelle. Cette investigation, parfois intime nécessite une écoute et une confiance réciproque qui se crée dès la première consultation. On décidera d’une conduite à tenir par rapport au stress, le patient proposant des solutions, à son rythme. Ceci constitue une ouverture vers la gestion du stress et les thérapies dites cognitivo-comportementales (TCC). Lorsque le stress est invalidant, on proposera une prise en charge par un psychologue comportementaliste le plus souvent, qui prolongera ce dépistage des stresseurs et amènera le patient à proposer lui-même des modifications du comportement.[…] L’apprentissage de la relaxation peut être une étape majeure, dans les changements comportementaux. II sera proposé des pauses courtes lors de l’activité professionnelle, de 3 à 5 minutes toutes les heures ou 2 heures durant lesquelles le patient sera invité à se relaxer. Des exercices de respiration lente abdominale, en relachant la musculature seront pratiqués, et le patient ainsi éduqué sera invité à les renouveler seul. Une évaluation sur la compiliance et l’efficacité thérapeutique sera réalisée à J + 15 et J + 45.
Cette approche, est souvent associée en présence de bruxisme sévère au port d’une orthèse de protection nocturne. En effet, si la gestion du bruxisme d’éveil est assez largement accessible, les activités parafonctïonnelles lors du sommeil sont plus difficiles à gérer et relèvent le plus souvent d’une thérapeutique orthopédique ( orthèses de protection )
Les thérapeutiques cognitive?comportementales sont au centre de la prise en charge des pathologies et troubles fonctionnels, liés au stress, dont le bruxisme fait partie.”
-Port de une ou deux gouttières dentaires en résine, la nuit, pour protéger les dents.
-La physiothérapie peut parfois être nécessaire.
-Traitement médicamenteux :
Certains médicaments, tels les antidépresseurs ou les myorelaxants, peuvent réduire le bruxisme.
Des produits tels Robaxacet, Tylenol Muscle ou Flexeril (prescription requise) peuvent être administrés au coucher pour diminuer la douleur musculaire et augmenter la relaxation durant les périodes de bruxisme intenses. Pour les cas plus sévères, on peut utiliser le Rivotril (Clonazepam : prescription requise) pour une courte durée.
En cas de spasme musculaire associé, des injections Toxine botulinique (BOTOX) Produite par Clostridium botulinumInjection dans les muscles Agit pour 3-4 mois (19,1 semaines selon Tan & Jankovic) Réservé pour les cas de bruxisme sévère, avec impacts sur la vie de tous les jours Produit très cher un bloqueur de la contraction musculaire, ont aussi été utilisées chez certains patients bruxeurs. Toutefois, le manque d’études contrôlées quant à l’utilisation sécuritaire et efficace du Botox ne nous permet pas d’en recommander l’utilisation pour le moment. Advenant une sensibilité dentaire au froid, l’application de Gel Kam (disponible en pharmacie) peut réduire cet effet secondaire.

certaines recommandations peuvent être faites aux patients :
• Éviter de fumer en soirée
• Éviter les excès d’alcool
• Éviter de dormir sur le dos
• Éviter le bruit, l’ ordinateur ou la télévision dans la chambre à coucher