CMU : les déboires d’un patient

Cet article est un témoignage personnel dont l’original se trouve sur une page du site Mutations-radicale.com. Ce témoignage n’engage que son auteur et ne représente pas forcément l’opinion du site Dentisfuturis.com

“J’avais une dent (une incisive pour être précise) très abîmée que mon dentiste replâtrait périodiquement.
Nous attendions que ma situation financière s’améliore pour la remplacer.
Las ! je l’ai avalée un matin au petit déjeuner en croquant mon quignon de pain complet. Pas de panique ! me suis-je dis. Je suis à la CMU, je vais demander une prothèse !
Voici le texte officiel :

La CMU complémentaire vous couvre pour les prothèses dentaires (couronnes, appareils dentaires) dans le cadre de prix fixés par arrêtés, supérieurs aux tarifs habituels de remboursement. La CMU prend en charge ces suppléments à hauteur d’un plafond de 2600 francs valable sur 2 ans. Ce plafond assez élevé permet de prendre en charge 4 couronnes métalliques ou 2 couronnes métalliques ou 2 couronnes céramo-métalliques en 2 ans.

Avec ce texte j’étais sûre d’avoir mon incisive !
Mon dentiste n’a pas voulu travailler avec la CMU prétextant que c’était une “arnaque” puisque l’effort financier était demandé à eux praticiens et que, de ce fait, ils perdaient de l’argent.
J’ai donc téléphoné à d’autres dentistes de la région, leur demandant s’ils accepteraient de travailler avec la CMU. Les réponses furent négatives et presque hargneuses.
J’avais le sentiment d’avoir mis le doigt sur une guerre entre praticiens et administration et d’être indésirable. Je comprenais parfaitement leurs arguments, mais quoi ! Je ne pouvais pas continuer à me balader avec une dent en moins.
Une dentiste a accepté de me recevoir. Elle m’a expliqué (en pétard) qu’elle perdait beaucoup d’argent parce que la Sécu ne payait pas ce qu’elle lui devait. De plus sa secrétaire perdait un temps fou en démarches stériles et elle estimait qu’elle ne la payait pas pour ça. Mais j’ai dû lui plaire, car elle a consenti à me faire le soin et à me mettre une dent provisoire. Mais de prothèse point !
Elle m’a donné l’adresse du Centre Médical le plus proche de chez moi (35 kms quand même).
A ce stade de l’histoire, je me suis sentie une pauvre chose ! Ainsi donc les promesses des textes officiels sur lesquels j’avais fondé tous mes espoirs se réduisaient à un mirage ?

Après examen, le dentiste du Centre Médical me fait un devis : 2 010 francs dont 440 à ma charge.
Je m’étonne: “N’y a t-il pas une prise en charge à 100% ? ”
“Oui mais “ils” n’ont pas tout prévu, et ce qui ne l’a pas été est à votre charge !”
J’annonce que je touche 3 600 francs par mois.
On se met d’accord sur un paiement en 2 fois, au début et à la fin des travaux ! C’est déjà ça !

Pour l’accord de la Sécu, il faut justifier “d’une impérieuse nécessité”.
Je pourrai dire que cela me fait souffrir, ce qui n’étonnerait personne, mais comme je ne sais pas et ne veux pas mentir, j’expose mes difficultés pour manger et m’exprimer, et enfin le côté esthétique (mais pour une pauvresse comme moi, ça n’a pas beaucoup d’importance, n’est-ce pas ?)

L’assistante me rassure :
“C’est un accord de principe, vous aurez la réponse dans quelques jours”
Je présente ma carte vitale pour monter le dossier et oh ! surprise, elle dit que mes droits ne sont pas ouverts ! Je suis catastrophée ! Dès le lendemain matin, je suis à la CPAM et j’explique mon cas.
L’employée tapote sur son ordinateur.
“C’est normal, ne vous inquiétez pas ! mais ce serait trop long à vous expliquer ! ”
Elle met ma carte à jour. Ouf ! J’attends la réponse de la sécu qui ne vient pas. Pendant ce temps-là ma dent provisoire s’est déscellée et je me promène avec un joli sourire édenté. 3 semaines plus tard, n’ayant toujours pas de réponse, je refais 35 kms pour me faire resceller ma dent.
Le dentiste vient justement de recevoir un courrier comme quoi ma demande n’est pas assez justifiée. J’ironise :
“Je peux aller leur faire un joli sourire en guise de justification !”
Heureusement que je n’ai pas plusieurs dents à remplacer !

Voilà ! j’en suis là au moment où j’écris.
La suite au prochain numéro.

ARRIVERA-T-ELLE A SE FAIRE METTRE SA COURONNE ?
SI OUI, DANS QUELLES CONDITIONS ?

Cette anecdote banale révèle plusieurs choses :

1- La C M U présentée comme un progrès est un leurre.
A en croire le journal télévisé, tous les S D F peuvent se faire soigner et avoir des dentiers grâce à l’Etat Providence. Les faits, la pratique démentent les grandes déclarations.

2- La C M U a allégé le travail des Assistantes Sociales, certes, mais elles n’ont plus les moyens d’aider les personnes dans ce genre de difficulté. Le particulier ne trouve plus d’interlocuteur.

3- L’informatique, censée simplifier les actes administratifs les complique souvent, et surtout met hors jeu le patient qui ne peut plus maîtriser et gérer sa situation, ne trouvant plus d’interlocuteur. Même les employés ne comprennent plus les rouages administratifs.
L’informatique est très pratique pour ficher et contrôler les citoyens, mais pas pour améliorer leur sort.

4- La désinformation permet à l’Etat de creuser les inégalités tout en faisant croire qu’il oeuvre pour le bien de tous.
Dans ce cas précis, que peuvent penser un smicard ou un petit commerçant ? Qu’ils payent très cher pour avoir une bonne couverture sociale, alors qu’on soigne gratuitement des parasites !
De fait leur colère se dirigera contre les pseudo-bénéficiaires, et non pas contre les véritables responsables. Ainsi l’Etat entretient une animosité entre victimes; ce qui lui sert bien.”
NS


SOURCE DE L’ARTICLE : http://www.mutations-radicales.org/editos/cmu_aide-sociale.htm