Clermont Ferrand : une unité de soins Odontologiques pour handicapés

PARIS, 23 septembre (APM Santé) – L’unité fonctionnelle de soins spécifiques dentaires du CHU de Clermont-Ferrand, qui s’est développée depuis un an, est actuellement le seul centre en France proposant simultanément des soins dentaires pour les personnes handicapées et dépendantes, assurant la formation des dentistes libéraux et développant la recherche.

Présenté jeudi lors d’une conférence de presse, ce centre a été rénové en 2003 grâce à un financement de 120.000 euros de la fondation CNP assurances. Cela a permis à l’unité de se restructurer dans de nouveaux locaux et de mieux s’équiper. Au total, 600 patients ont ainsi pu être accueillis en 2003.

“La dentisterie est conçue en France pour des gens coopérants, qui y vont sur leurs deux pieds” a déploré le Pr Martine Hennequin, responsable de l’unité, ajoutant qu’environ 10% de la population est concernée par des techniques de soins adaptées.

“Les caisses d’assurance maladie mènent actuellement une vaste enquête auprès de 10.000 enfants pour évaluer les besoins en soins spécifiques. On commence à comprendre que ces dispositifs de soins pour enfants handicapés peuvent être utilisés pour les maisons de retraite, c’est aussi l’effet de la canicule l’an dernier”, remarque-t-elle.

L’unité, composée de trois cabinets dentaires, recourt à 6 dentistes spécifiquement formés, dont une partie est liée à la faculté de clinique dentaire de Clermont-Ferrand et utilise notamment la sédation consciente, technique indispensable pour prendre en charge les soins des patients handicapés ou dépendants.

Ces techniques spécifiques permettent également la prise en charge d’enfants en âge préscolaire -ayant moins de 4 ans- et des personnes particulièrement anxieuses ou phobiques vis-à-vis des soins dentaires.

L’unité existait depuis 1992 et s’est structurée autour de 2 puis 3 praticiens hospitalo-universitaires, sans aucune dotation de personnel technique, de matériel et de locaux spécifiques, est-il souligné par l’unité.

Des protocoles de soins ont été mis au point associant des techniques de soins cognitivo-comportementales et de sédation consciente avec l’utilisation, par exemple, du MEOPA qui est un mélange gazeux composé d’oxygène et de protoxyde d’azote.

“Il s’agit de faire comprendre à l’enfant que la fraise va vibrer dans sa bouche mais que ce n’est pas dangereux pour lui en la faisant d’abord vibrer sur son bras ou lui faire respirer les différentes odeurs avant de lui mettre les produits dans la bouche” est-il expliqué.

Ces techniques permettent de réduire le recours à l’anesthésie générale. En 10 ans, alors que le nombre de patients suivis a été multiplié par 7, le pourcentage de ceux soignés sous anesthésie générale a été divisé par deux dans l’unité.

Une activité de prévention, par le biais du dépistage, est également assurée auprès des établissements accueillant des enfants ou des adultes présentant une déficience mentale et le personnel est formé aux techniques d’hygiène.

Une formation est proposée aux chirurgiens dentistes généralistes, et un module d’enseignement optionnel “handicap” de 80 heures a été mis en place depuis la rentrée universitaire 1997, ainsi qu’un module obligatoire “soins spécifiques” de 36h, incluant la gériatrie et la pédopsychiatrie pour les étudiants en dernière année.

Enfin, l’unité dispose d’un pôle recherche où différentes études cliniques sont menées notamment sur la sédation et la validation de protocoles établis en partenariat avec le service d’anesthésie et de réanimation de l’Hôtel-Dieu, et les déficiences masticatoires des patients handicapés.

PAS DE RÉSEAU EN AUVERGNE SANS FORMATEURS

Le Pr Martine Hennequin souhaite monter un réseau de soins en Auvergne, mais avoue pour l’instant “tourner en rond”. Une note d’attention a été déposée auprès de l’Union régionale des caisses d’assurance maladie (Urcam), mais elle ne souhaite pas déposer de dossier de constitution de réseau “tant qu’il n’y a pas de formateurs”.

Le manque de formateurs relève de l’université et donc du ministère de l’Education nationale et de la Recherche. “On nous répond que les postes sont ciblés sur d’autres choses, une sensibilisation du ministère est nécessaire sur ce point”, relève-t-elle.

Quatre formations universitaires existent en France sur la sédation consciente : à Strasbourg, Clermont-Ferrand, Nancy et Marseille, chaque faculté reçoit entre 10 et 15 étudiants par an.

“La formation va s’étendre. En Angleterre, ce type de formation est déjà inclus dans le cursus général et les praticiens peuvent très bien venir s’installer en France” souligne Martine Hennequin, qui espère que cela dynamisera la formation française.

Il y a actuellement peu de praticiens dentistes en France engagés dans la prise en charge de soins spécifiques pour les personnes handicapées et dépendantes.

“Entre 10 et 15 praticiens sont engagés dont quelques praticiens libéraux qui ont souvent une double appartenance et sont vacataires dans des établissements hospitaliers” précise le professeur, qui est en contact avec le service d’odontologie du CHS du Vinatier, près de Lyon, où un réseau expérimental de soins dentaires destiné aux handicapés et aux personnes dépendantes en Rhône-Alpes est en voie de constitution.

Jean-Paul Segade, actuel directeur du CHU de Clermont-Ferrand, était directeur du CHS du Vinatier quand le service d’odontologie s’est structuré en réseau.

Une enquête menée en 1995 dans le Puy-de-Dôme auprès de 179 chirurgiens dentistes puis rééditée dans le Loiret en 1999, montrait que 63% des praticiens libéraux avaient en charge des patients handicapés et plus de 40% de ces praticiens déclaraient avoir reçu des patients pour lesquels ils avaient dû renoncer aux soins.

Dans ce dernier cas, les patients sont orientés vers un service hospitalier où, sous anesthésie générale, ils subissent le plus souvent une extraction complète de la dent. Très fréquemment aussi, aucune solution ne peut être apportée à la demande de soins.

“J’ai seulement la possibilité d’utiliser dans mon cabinet les techniques comportementales, il m’est arrivé de passer 2 ou 3 heures sans que la réalisation réelle d’un soin soit faite”, explique Philippe Guyet, praticien libéral en Ile-de-France et présent lors de la conférence de presse.

“Il est difficile de trouver quelqu’un qui puisse avoir un contact positif avec un enfant handicapé et qui puisse également prendre en charge les soins” ajoute-t-il, étant lui-même parent d’un enfant atteint de trisomie 21.

Soixante six pour cent des chirurgiens dentistes estiment que la durée des soins est doublée ou triplée, ce qui revient à faire du bénévolat, regrette Martine Hennequin./ml

Jeudi 23 septembre 2004 – Copyright © APM-Santé –