Les Drs Nathalie Delphin, vice-présidente et chargée de communication du SFCD (Syndicat des femmes chirurgiens-dentistes), et Sylvie Ratier, juriste du SFCD, spécialisée en droit de la santé, livrent leur analyse de l’article 1 du projet de loi de modernisation de notre système de santé, tel qu’il est rédigé après le vote de l’Assemblée nationale. Un article porteur, selon elles, d’une véritable bombe à retardement.
Selon notre lecture, l’article 1 du projet de loi santé va poser les bases d’un système de soins totalement différent, de ses valeurs à son organisation en passant par son financement. Il redéfinit le contrat de soins, la responsabilité civile médicale, la protection du patient et va même jusqu’à redéfinir la protection sociale dans sa globalité. Tout le reste du texte constitue finalement la mise en њuvre de cet article premier : l’ensemble de ceux qui suivent (tiers payant, contrac- tualisation avec les professionnels de santé, transmission et utilisation des données de santé…) n’en est que la conséquence.
Pour le SFCD, l’article 1 est la clé de la mutation du système de santé vers sa privatisation de fait, qui transformera l’activité de soins en une activité purement économique rentable à court terme. L’objectif de l’État ou de l’Assurance maladie est de faire des économies. L’objectif des assureurs est de faire des profits. Ces deux objectifs sont tout à fait compatibles et autorisés au sein de ce nouveau système de santé. Mais que deviendra alors la santé publique ? Nous sommes dans la crainte de la disparition de l’intérêt général à long terme, face aux intérêts financiers immédiats des partenaires définis par cette loi. Ce projet de loi, additionné aux lois précédentes*, est un cocktail explosif pour notre système de santé.
Le soin, devenu un bien de consommation, entraînera l’application du droit de la concurrence et des contrats. Dans un tel système, comme dans tout système de consommation, il y aura des producteurs de soins (professionnels de soins), des dis- tributeurs de soins (plateformes spécialisées ou grands circuits de distribution commerciale) et des consommateurs de soins (patients). Les professionnels de santé, obligés de contractualiser individuellement avec les ARS et/ou les assureurs privés, seront tenus d’exercer aux conditions fixées dans le contrat. De leur côté, les patients, bénéficiant de tarifs attractifs chez les praticiens proposés par leur assurance complémentaire obligatoire pour les salariés, n’auront d’autre alternative que de faire un choix entre tarifs séduisants et liberté. L’Assurance maladie, déjà en passe d’être absorbée par les ARS (Agences régionales de santé), dont l’objectif est la rationalisation des dépenses de santé, voit sa fin programmée. L’État, qui n’a plus les moyens financiers d’assumer le déficit public en matière de santé, charge les ARS de mettre en њuvre la stratégie de santé au niveau local, sans les doter des moyens financiers nécessaires. Les ARS, a priori, continueront à financer la “santé sociale”, tandis que tout le reste sera confié, par la force des choses, aux assureurs privés. Ces assureurs privés, qui disposent des avances de trésorerie nécessaires, récupéreront la gestion du risque qui ne sera plus dévolue à l’État. Les patients à risques, c’est-à-dire “non rentables”, auront-ils des tarifs “préférentiels” ? ».
http://www.cnsd.fr/actualite/news/1380-article-1-de-la-loi-de-sante-cocktail-explosif