Ils ont 12, 13 ou 14 ans. Dans la bouche, de la ferraille, de la porcelaine parfois, des élastiques bleus ou transparents, des gouttières en plastique… Entre autres rendez-vous pesant sur leur emploi du temps de collégien, de nombreuses visites chez l’orthodontiste. Quant aux perspectives de libération de leur dentition, elles sont souvent lointaines. Ce sont sans doute ces ados qui comprendront le mieux les résultats de l’étude de l’Assurance maladie sur le suivi des traitements d’orthodontie (lire les données clés) : un traitement sur six est abandonné dans la première année.
« Dans la quasi-totalité des cas, détaille Joël Laforet, chirurgien dentiste conseil à la direction régionale du service médical Nord-Picardie, le patient est à l’origine de l’arrêt du traitement. Un bon tiers de ces patients n’en ont pas supporté les contraintes, parmi lesquelles l’appréhension de la douleur, la longueur du traitement et la fréquence des rendez-vous. »
Dans la plupart des cas, les traitements d’orthodontie ne sont pas douloureux. Mais ils restent associés à la peur du dentiste. « Au cours du traitement, quand l’arc est mis en tension, indique Joël Laforet, il y a une gêne que les enfants associent à la douleur, et que l’on soulage avec un antalgique la première nuit. »
En moyenne, un traitement dure deux ans pour une dysmorphose (1) classique. Les jeunes patients ont pourtant peine à imaginer la sortie du tunnel. « L’orthodontiste peut donner un ordre de grandeur, poursuit le dentiste. Mais à l’âge de la puberté on n’aime pas trop les contraintes. C’est pourtant à ce moment-là que les corrections vont être facilitées. Pour modifier la position des dents, il faut de la place et, à la puberté, la mâchoire est en croissance. »
La fréquence des rendez-vous peut difficilement être réduite. On peut juste conseiller aux parents de soutenir et motiver leurs enfants.
Le coût du traitement est aussi un frein à son déroulement. Les honoraires des orthodontistes sont libres et en augmentation alors que la prise en charge de l’Assurance maladie ne bouge pas. Le coût moyen d’un semestre de traitement est de 430 € dans le Nord – Pas-de-Calais ; la Sécu rembourse 193,50 €. Les mutuelles complètent plus ou moins, mais cela reste coûteux.
Reste qu’abandonner le traitement a des conséquences fâcheuses, au-delà des considérations esthétiques : « On observe des problèmes de gencives, des troubles de la digestion et l’apparition fréquente de caries, indique Joël Laforet. Tout cela est provoqué par un mauvais alignement des dents, qui touche les deux tiers de ceux qui ont abandonné leur traitement. »
Un traitement interrompu est un échec pour le praticien et une perte sèche pour l’Assurance maladie, qui dépense 5,4 millions d’euros par an pour des traitements d’orthodontie inachevés.
L’Assurance maladie vient de lancer une campagne d’information auprès des assurés. Mais il faudra poser la question du remboursement du traitement. Le dossier est entre les mains du ministre de la Santé. Piste envisagée : un remboursement en fonction de la gravité de la pathologie.
C. V.
(1) Mauvais alignement des mâchoires ou des dents ; chevauchement ou croisement dentaire.